L'actuel président du Sénat de la République démocratique du Congo (RDC) est notamment poursuivi pour crime contre l’humanité et crime de guerre, à la suite d'un avion abattu par un missile en octobre 1998.
Selon le journal belge "La Dernière heure" (La DH) qui livre l'information, le parquet fédéral belge demande l’irrecevabilité des poursuites - l’impossibilité de poursuivre, de juger, éventuellement de condamner - en Belgique dans le dossier de l’attentat d'un Boeing 727 de la compagnie Congo Airlines, abattu le 18 octobre 1998 en RDC. Cinquante personnes y avaient été tuées dont quarante-trois civils, essentiellement des femmes et des enfants, et sept membres d’équipage.
Le parquet fédéral belge estime que les critères de compétence en matière de crime de droit international humanitaire, crime contre l’humanité et crime de guerre (article 136 ter et quater du code pénal), commis à l’étranger, nécessitent que la personne poursuivie réside effectivement et réellement sur le sol belge, selon La DH. Le journal poursuit que «selon le parquet fédéral, la personne contre laquelle les plaignants se sont constitués partie civile à Bruxelles, Alexis Thambwe Mwamba, qui fut ministre de la Justice en RDC, est certes domiciliée à Uccle, mais l’enquête du juge d’instruction Claise a montré que cette domiciliation ne correspond pas à la résidence principale réelle d’Alexis Thambwe Mwamba. Ce dernier a eu la riche idée de répondre à la police belge qu’il ne se rend que deux à trois fois par an en Belgique, principalement pour " des examens médicaux ou des vacances ». Ainsi, indique le journal belge, pour le parquet fédéral, « la condition de résidence effective sur le sol belge requise pour pouvoir exercer en Belgique l’action publique du chef de crimes de droit humanitaire commis en RDC n’est pas remplie ». Pour le parquet fédéral de Belgique, la justice belge n’est donc pas compétente dans ce dossier.
Rappel des faits
Le 18 octobre 1998, un Boeing 727 de Congo Airlines avait été abattu en plein ciel par un missile, aux abords de Kindu, lors de la rébellion opposant le Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD) et les troupes loyalistes sous la présidence de Laurent-Désiré Kabila. L'avion avait cinquante personnes à bord (quarante-trois civils, essentiellement des femmes et des enfants, et sept membres d’équipage).
Le lendemain, Alexis Thambwe Mwamba, qui était alors porte-parole du RCD, rapelle La DH, revendiquait sur les ondes l’attaque contre cet avion et justifiait le tir du missile, un Sam 7, par le fait que l’appareil était sur le point d’atterrir à Kindu avec des militaires pro-Kabila à son bord. « Nous avions des informations précises que les renforts venant de Kinshasa arrivaient à Kindu par un avion civil », avait déclaré l'actuel président du Sénat de la RDC. Une version immédiatement démentie par de nombreux témoins, pour qui l'avion avait décollé de Kindu avec des civils qui cherchaient à fuir les combats.
En juin 2017, le juge Michel Claise avait été désigné par le parquet de Bruxelles pour se charger de l'instruction du dossier visant Alexis Thambwe Mwamba, alors ministre de la Justice de la RDC. L'ouverture du dossier était consécutive à une plainte pour crime contre l'humanité, introduite en 2017 par l'avocat Alexis Deswaef, pour le compte des familles des victimes, révélait le quotidien "La Libre Belgique". « La plainte porte aussi sur des détournements de biens publics, un volet du dossier dans lequel le nom de la fille du ministre est également mentionné. La plainte a été déposée par plusieurs familles de victimes du crash », indiquait "La Libre Belgique". « C’est Alexis Thambwe Mwamba qui a revendiqué, avec une certaine fierté, ce crime. Il est le seul à être domicilié en Belgique, où il a sa résidence principale et dispose d’un titre de séjour illimité depuis 1996. Au regard de notre droit, la justice belge est donc compétente », estimait Me Alexis Deswaef, avocat des parties civiles dans ce dossier, selon des propos rapportés par "Jeune Afrique". D'après l'avocat, cité par "La Libre Belgique", Alexis Thambwe Mwamba était résident en Belgique au moment des faits. Aujourd’hui, il dispose d’une carte de séjour permanent, ses enfants et son épouse sont Belges. Il s’est présenté à la commune d’Uccle le 20 novembre 2017 pour renouveler cette carte de séjour.
Audition d'Alexis Thambwe Mwamba
Le 4 septembre 2018, Alexis Thambwe Mwamba avait été auditionné pendant quatre heures (de 9h à 13h) par la justice belge. A en croire un communiqué publié à l'époque par son avocat belge, Me Laurent Kennes, l'ancien ministre de la Justice de la RDC avait lui-même sollicité d’être entendu le plus rapidement possible par les autorités belges et avait répondu à toutes les questions qui lui avaient été posées et proposé son entière collaboration. En outre, d’après ce communiqué, Alexis Thambwe Mwamba s’était défendu de tout rôle dans le crash de l’avion. «Il était responsable des relations extérieures et a été informé après le crash de celui-ci ».«Il n’a posé aucun acte en lien avec cet événement dramatique», expliquait le communiqué.
D'autres charges
Par ailleurs, l’enquête sur Alexis Thamwe Mwamba porte aussi sur d’autres charges, selon Me Deswaef, cité par "La Libre Belgique": enrichissement illicite et blanchiment, détournement d’argent public mais aussi faux et usage de faux. En effet, indiquait le quotidien, la justice belge s’intéresse aux sept comptes bancaires du ministre congolais, dont l'un avec lequel il a acheté cash un appartement situé à Uccle (commune huppée de Bruxelles) pour 625 000 euros. Un achat réalisé en deux versements, l’un de 62 500 euros, l’autre de 562 500 euros. « Une somme difficile à justifier avec un salaire de ministre », avait estimé Me Deswaef.
L'ancien ministre congolais de la Justice est aussi poursuivi pour faux et usage de faux. En effet, explique "La Libre Belgique", en décembre 2016, Samy Badibanga est nommé Premier ministre de la RDC alors qu'il est citoyen belge. La Constitution congolaise ne reconnaissant pas la double nationalité, Samy Badibanga avait donc perdu sa nationalité congolaise. Mais Alexis Thambwe Mwamba, alors ministre de la justice, a pris un arrêté de recouvrement de la nationalité congolaise pour son Premier ministre, sans que celui-ci n'ait introduit une procédure pour renoncer à sa nationalité belge. « L’acte est illégal. Le ministre congolais de la Justice ne pouvait retirer la nationalité belge à Badibanga, acte qui ne peut être posé que par un officier de l’état civil belge. Cet acte est donc constitutif d’un faux dont devra répondre le garde des sceaux congolais», indiquait le quotidien belge.