8 mars : honneur aux femmes ou aux pagnes ?

Vendredi, Mars 12, 2021 - 12:37

Le 8 mars a été célébré avec faste à Brazzaville. Les femmes ont mis leurs atouts en exergue pour marquer cette journée consacrée à leurs droits. Si d’aucuns ont choisi de se réunir autour d’une table ronde, d’autres ont préféré prendre d’assaut les coins chauds de la capitale.

Placée sous le signe du leadership féminin, cette commémoration a donné lieu à plusieurs rencontres. Au Palais des congrès par exemple, certains élus locaux, représentants des conseils consultatifs nationaux, partis politiques et organisations de la société civile se sont réunis, sous l’égide de la ministre de la Santé, pour faire le point sur les luttes et les réalisations passées, afin de baliser l’avenir

La journée a aussi donné lieu à une collaboration enrichissante entre dix-huit talentueuses chanteuses congolaises à travers la campagne de sensibilisation « Tosala », organisée par l’Institut français du Congo.

De même, elle a permis aux femmes exerçant au sein de la société de téléphonie Congo Télécom d’échanger sur les valeurs de l’entreprise et l’importance qu’elles accordent aux mouvements des droits des femmes. Plusieurs autres activités de ce genre se sont tenues dans la capitale en cette journée.

Par ailleurs, l’heure était à la fête pour plusieurs autres femmes congolaises. Après les boutiques spécialisées dans la vente des pagnes, les couturiers ont été beaucoup sollicités pour la confection des pagnes conçus pour l’occasion. Dans l’après-midi, les salons de beauté et de coiffures ont été les premiers à être investis. Regroupées autour des associations et des mutuelles, mais aussi entre amies, certaines femmes se sont faites spécialement belles le 8 mars pour des retrouvailles autour d’un pot et des rendez-vous galants.

Certaines d’entre elles ont exigé de leurs partenaires un cadeau pour l’occasion et d’autres se sont assurées qu’ils payent la facture des dépenses occasionnées par les retrouvailles arrosées du jour. De Bacongo à Moungali en passant par Ouenzé, Talangaï et Djiri, un remarquable engouement a été constaté aux alentours des bars à ciel ouvert et clubs dancing de la place. Pour beaucoup, l’aspect festif est le socle même de cette journée.

Pas de 8 mars sans pagne et retrouvailles

Le port du pagne s’est érigé en tradition lors de cette célébration. A Brazzaville, les pagnes prennent le dessus sur les vrais problèmes cruciaux inhérents à la parité et à l’égalité. Les grandes discussions ou causeries-débats sur les questions du genre sont loin des priorités de ce jour pour bon nombre de femmes. La valorisation n’est plus aux combats menés par les prédécesseurs mais au pagne. L’objectif de cette journée est ainsi écarté par plusieurs.

L’heure est au bilan et non aux discours

A partir du 8 mars 2021, une année va s’écouler avant la prochaine commémoration de la journée internationale des droits des femmes. En attendant la prochaine célébration, les femmes congolaises dormiront sur leurs deux oreillers. Elles évoqueront rarement l’état des lieux de la parité homme-femme au Congo et tiendront rarement, au cours des prochains mois, des rencontres ou causeries-débats sur le genre, la discrimination, le harcèlement, la scolarisation des jeunes filles et bien d’autres problèmes auxquels font face les femmes au quotidien. 

Nous ne sommes pas à notre premier constat de ce genre. Il y a d’un côté un manque considérable de relais après cette journée et, de l’autre, une recrudescence des moments de l’oisiveté, qui s’est accentuée ces dernières années.  Alors, au lieu d’attendre que le 8 mars pointe son nez pour s’engager dans la sensibilisation, les pouvoirs publics en collaboration avec des ONG et acteurs de la société civile devraient s’employer, en amont, à conscientiser les femmes en particulier et la population en général sur le combat à mener pour garantir les droits des femmes au Congo.

Ils peuvent, à titre d’exemple, organiser durant les mois qui suivent des séminaires de sensibilisation sectoriels réguliers et des rencontres productives et constructives sur l’applicabilité des lois congolaises et les questions du genre. Il faut qu’au bout de ces célébrations naisse l’élite féminine congolaise. Des femmes audacieuses à l’œuvre dans les sphères de décision, sur lesquelles les jeunes filles et femmes du Congo peuvent compter.

 

 

 

Durly Emilia Gankama
Légendes et crédits photo : 
Photo: Les femmes congolaises lors du défilé du 8 mars 2017
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