Alors toi aussi tu es féministe ? Oui mais chut s'il te plaît... Ce courant devenu international semble entacher de désamour. Il traîne encore à ce jour des visions stéréotypées, de femmes autoritaires, un peu masculines, peu sexualisées, bref une série de clichés bien loin de ce qu'il signifie vraiment.
Le concept de féminisme couvre en réalité l’histoire de différentes luttes, notamment déconstruire les stéréotypes liés au genre, promouvoir l’égalité entre filles et garçons, femmes et hommes, dans tous les domaines de la vie. Ainsi, être féministe n’est pas propre à un sexe ou à un genre. C’est simplement se ranger en faveur de l’égalité homme-femme sous ses diverses formes. Dans ce dernier numéro du mois de mars, qui consacre une journée (8 mars) à la commémoration des luttes menées, depuis des siècles, en faveur de l’égalité des chances, nous revenons sur les déclarations et combats de quatre femmes et deux hommes qui illustrent à travers leurs idéologies et engagements des mille et une façons d’être féministe.
Princilia Pérès : artiste et écrivaine congolaise
« 8 mars, je ne sais pas ce que vous évoque cette date. Pour moi elle évoque la célébration de la femme, dans son intégrité et dans ses multiples facettes. Toutefois, j'ai constaté à mes dépens, qu'être une femme est une marque de vulnérabilité parfois dans la société, notamment sur toutes les questions concernant le leadership, le business, la position. Très tôt, j'ai remarqué qu'être une femme leader pouvait déranger plus d'un. J’ai personnellement fait face à des grandes frictions, résistances et attaques. Une femme n'a apparemment pas le droit de prétendre à une position de guide, d'ancien, d'averti. En entrepreneuriat social, porteuse de vision, j'ai aussi remarqué que pour marcher avec des hommes, il fallait se dénaturer, devenir soi-même un peu un homme, soit de ne pas les déranger ; qu'ils n'aient encore pas là l'impression que vous leur indiquez la direction. Mais Dieu nous a créés égaux dans l'esprit, différents dans la chair. L'homme règne, la femme règne à côté de lui, différemment. Nos chers hommes, nous vous aimons ; et notre aspiration est de cultiver ce champ qu'est le monde avec vous. Pas à votre place, encore moins sans vous ».
Dr Denis Mukwege : la médécine au service de l'égalité
« S’il m’était permis de donner un sens à cette journée, j’aurais souhaité qu’elle soit une journée de conscientisation de la femme congolaise afin qu’elle comprenne une fois pour toutes qu’il y a belle lurette que ses droits sont bafoués et qu’il est temps qu’elle occupe la place qu’elle mérite dans notre société. J’encourage les femmes du monde entier qui luttent aux côtés des hommes positifs pour la dignité de la femme de ne pas baisser pavillon, de poursuivre le combat, car la victoire de l’égalité femme-homme est à notre portée. Ne gagnent que ceux qui luttent. Notre engagement commun aura abouti lorsque la Journée internationale des droits des femmes n’aura plus de raison d’exister car chaque jour sera le jour de la femme et de l’homme unis dans la dignité », déclaration tirée de son adresse aux femmes à l’occasion de la Journée internationale de la femme.
Lady Sonia : l’ambassadrice de l’autonomisation des femmes
« Une journée ne suffirait pas à souligner à quel point nous sommes des héroïnes au quotidien. Mais il fallait une journée pour rappeler au monde entier de nous célébrer ! Le débat sur l'équité, la justice, respect des droits des femmes et des enfants reste ouvert surtout dans certaines régions du monde. Le monde d’aujourd’hui n’attend plus des femmes qu’elles soient belles et qu’elles se taisent ! non, l’univers attend d’elles qu’elles dirigent des empires tout en étant belles ». Déclaration à l’occasion du 8 mars.
Éric Reinhardt : l'homme féministe
« Depuis quelques années, toutes les fois que l’occasion m’en est donnée, je me présente comme un homme féministe. J’aime le mot « féministe », ce mot est armé, peu de mots sont aussi peu émoussés que celui-ci, ses radiations corrosives attestent des efforts qu’il a fallu déployer, ces dernières décennies, pour vaincre les résistances que la cause féministe rencontrait et rencontre encore dans notre société ». Le romancier et éditeur d’art français a dans sa démarche tourné le dos à une guerre des sexes, en laissant libre cours à son engagement féministe.
Awa Thiam : la plume du feminisme
Plus d’une décennie après les indépendances africaines, quel est le sort des femmes dans ces pays ? A quelles oppressions celles-ci sont confrontées ? Ont-elles voix au chapitre ? Voilà autant de questions auxquelles Awa Thiam tente de répondre dans « La Parole aux négresses ». L’écrivaine sénégalaise, anthropologue et féministe touche de sa plume les maux qui minent les sociétés africaines. Dans « Féminisme et révolution », il est question, pour elle de questionner les luttes émancipatrices des femmes africaines, par rapport à celles de l’Occident, pendant que dans « Que proposer aux négresses », Awa Thiam propose des axes de réflexion pour qu’une réelle sororité soit appliquée et que les Africaines fassent vraiment entendre leurs voix dans leurs sociétés. « Lutter, c’est se battre avec résolution et foi dans une victoire certaine, comme la promesse d’un bonheur prochain et sûr, que l’on vivra ou que d’autres vivront. Donc lutter avec la ferme conviction qu’il y aura un aboutissement positif, en notre présence ou en notre absence. Lutter. » (Thiam 1978, p. 162).