Ce roman publié à L’Harmattan-Congo, et préfacé par Richard-Gérard Gambou, est une autopsie critique de la société africaine néocoloniale, où l’espoir des lendemains meilleurs s’enlise dans les pesanteurs de la corruption généralisée.
« Bomengo, un paradis, pourrait-on dire, qui émerveillait tout le monde, qui donnait un sens à la vie, qui n’était pas soumise aux tortures que Cefa nous imposait. Bomengo avait tué le règne des policiers rapaces. On circulait, on travaillait, on se fréquentait et on se partageait les idées » (page 154). Ces dernières phrases du roman expriment le rêve de l’auteur de voir se réaliser dans son pays tous les vœux les meilleurs qu’on lui souhaite. En effet beaucoup de promesses de progrès socio-économique, de rupture avec les contrevaleurs, de futur radieux ne se sont souvent révélées que de pieuses déclarations d’intentions.
Zambo, le héros du roman, est infirmier d’Etat, l’un des rares évolués de son village et de sa famille. Soucieux du sort des siens, il retourne au village pour soulager les peines sanitaires des siens. Son abnégation et son dévouement sont interprétés comme une précampagne par le « système » du parti qui dirige son pays. Tout acte patriotique public devrait être exécuté exclusivement par les partisans du « système » ou du moins avec leur autorisation.
C’est comme cela que les choses fonctionnent dans la plupart des Etats du continent africain, malgré le niveau d’instruction de la population. Le logiciel mental reste bourré de préjugés et de travers qui font de ces sociétés des milieux rétrogrades où la misère morale étouffe le vivre-ensemble et accentue la paupérisation. Comme quoi, les mêmes causes engendrent les mêmes effets.
Ce roman aborde la plupart des thématiques des romans africains qui, à l’image du célèbre Pleurer-Rire de Henri Lopes, dénoncent les maux courants de l’Afrique actuelle. L’originalité de ce récit est la peinture anecdotique de l’irréversible compte à rebours devant le tribunal incorruptible de Dieu, en face de qui les puissances fantoches de ce monde découvrent la vanité de leur sort. « On est en droit de se demander ce que l’on a fait du compte de Dieu pendant notre séjour dans le monde des vivants. Nos œuvres étaient-elles conformes à sa volonté ? Des questions que chacun devra se poser », écrit Ernest Bompoma à la page 135.
Pour le préfacier, « le roman Le compte à rebours est une merveilleuse école de vie ». C’est le second livre de Ernest Bompoma Ikiélé après Le chaos, recueil de nouvelles publié en 2012. Ce fut aussi son dernier livre avant de tirer sa révérence comme l’eurent vécu avant lui, Lié Médard Kamb’Ikounga, Calissa Ikama, Dominique Matanga. Trois autres écrivains congolais au destin presque similaire. Le premier a publié « L’appel du Ténéré » avant de mourir dans le crash historique du Ténéré. La deuxième, la plus jeune écrivaine congolaise de tous les temps, a succombé d’un cancer après avoir publié « Le triomphe de Magalie ». Le troisième est décédé après publication de son roman « A titre posthume ». Simple coïncidence ou prémonition ?