Monitoring des prisons en RDC : des ONG publient leur rapport pour 2021

Jeudi, Décembre 9, 2021 - 17:22

Le collectif conduit par la Fondation Bill-Clinton pour la paix (FBCP) n’a noté qu’une minime amélioration dans les prisons de la République démocratique du Congo (RDC).

La FBCP, en collaboration avec le collectif d’organisations de défense des droits de l’homme établies en RDC, vient de publier, le 9 décembre, au cours d’une conférence de presse, son rapport 2021 sur le monitoring des prisons dans le pays. Dans ce document, il est noté une faible amélioration des conditions dans les prisons.

Le seul domaine où des avancées ont été enregistrées est celui des soins médicaux. « Le nombre de décès a diminué par rapport aux années 2021 et 2019 », a-t-il été souligné. La FBCP et ses partenaires ont indiqué que les procédures judiciaires connaissent une stagnation. « On dénote encore des jugements sur ordre », a regretté cette synergie, qui recommande à l’Etat d’appliquer les articles 149 et 151 de la Constitution. Le gouvernement congolais et ses partenaires internationaux, insiste-t-elle, ne doivent pas rester indifférents face à cette situation. « Des actions concrètes doivent être entreprises afin d’améliorer de façon significative la situation des prisons et des prisonniers », a-t-elle conclu dans cette étude menée de janvier à avril 2021 dans les institutions carcérales du pays.

Surpopulation carcérale

Cette étude note que la RDC, qui compte 121 prisons opérationnelles et 27 prisons non opérationnelles, enregistre une surpopulation carcérale. Alors que les prisons militaires contenaient 12 004 détenus au mois d’avril sous examen, les prisons civiles, elles, comptaient près de 3 000 000. Pour la FBCP, toutes les prisons du pays connaissent de surpopulation et les plus surpeuplées sont celles de Kinshasa avec Makala (8 300 détenus pour une capacité d’accueil au départ de près de 1500 personnes) et de Ndolo (1955, pour une capacité d’accueil de 500 prisonniers).

Pour la prison centrale de Makala, selon ces organisation, cette situation est due au fait que l’écrasante majorité des détenus est constituée de personnes dont la détention est tombée dans l’illégalité (détenus sans dossier ou en dépassement du délai légal de détention), des détenus préventifs, des détenus sous mandat d’arrêt provisoire, etc.

La FBCP note que la situation est également explosive dans la prison d’Angenga dans la Mongala, ainsi que dans les quartiers militaires de Boma, Bunia et Butembo. « A Angenga, le nombre de prisonniers s’élève à 1500, tous condamnés ; tandis qu’à Goma, on dénombre 1400 détenus, à Bunia, 1081, à Butembo 469 », a-t-elle signifié.

Cette synergie a, par ailleurs, évalué à 6000 le nombre total de fonctionnaires employés dans les prisons congolaises. Elle a indiqué, par contre, que la moitié seulement de ces fonctionnaires est payée. Notant que l’état des infrastructures carcérales reste préoccupant à travers tout le pays, la FBCP a admis que malgré les interventions de la mission onusienne et de l’Union européenne dans leur réhabilitation, on y enregistre de nombreux problèmes dont la décrépitude des bâtiments, des sanitaires insalubres, la plomberie défectueuse, la détérioration des canalisations d’eaux usées, etc.

En plus de cette surpopulation, d’autres problèmes enregistrés et présentées dans ce monitoring sont notamment la carence des agents formés, l’assurance de la charge des prisonniers par les prisonniers eux-mêmes, la lenteur dans le processus judiciaire, les conditions carcérales inhumaines, etc. « Les conditions carcérales dans les prisons de la RDC ne sont pas conformes aux normes internationales et règles minima en la matière », a indiqué la FBCP.

Actions pour l’amélioration des conditions carcérales et le travail des magistrats

Face à cette situation relevée, la FBCP a agi en faveur de certains détenus. Parmi les actions menées, l’ONG a relevé, entre autres, la procédure qui a abouti à la libération de mille détenus préventifs de janvier à décembre 2021 ; l’assistance à certains prisonniers en amenant le monitoring de leurs situations auprès des autorités ; l’assistance dans le cas d’arrestation et de détention arbitraires, depuis le mois de juillet, de la veuve du feu général Kahimbi et sa tante, le suivi du cas de Barnabé Milingani, etc, qui ont bénéficié de la grâce présidentielle. Elle regrette, toutefois, que cette décision de la grâce présidentielle soit appliquée d’une manière sélective, discriminatoire et tardive de telle sorte que les véritables bénéficiaires sont toujours en détention.

Dans les recommandations, la FBCP dit attendre de l’Etat congolais la réforme des lois pénitentiaires pour les adapter à l’évolution du pays, la création de la direction générale des prisons, un statut particulier en tant que service pour l’administration pénitentiaire, la construction de nouveaux bâtiments pour les prisons et la réhabilitation de ceux délabrés, l’accélération des procédures judiciaires, etc.

De la communauté internationale, elle conseille de faire pression sur la RDC pour qu’elle respecte les instruments juridiques en la matière qu’elle a signés et ratifiés, et d’appuyer l’Etat congolais dans la construction de nouveaux bâtiments pénitentiaires. A l’ONU, la FBCP conseille de veiller à ce que les droits de détenus soient respectés en RDC alors qu’à l’Union européenne et l’Union africaine, elle demande d’appuyer la RDC dans ses efforts  de réforme des services pénitenciers et d’amélioration de la situation carcérale. La FBCP exhorte, enfin, les organisations de droits de l’homme à faire le monitoring de la situation des prisonniers et les accompagner das les procédures judiciaires.

Lucien Dianzenza
Légendes et crédits photo : 
Emmanuel Adu Cole, de la FBCP, encadré par Me Charlène Yangazo et Joseph Désiré Makwando, de DDU/Adiac
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