Rappeur, réalisateur et auteur-compositeur belge d’origine congolaise, assez connu à Kinshasa où il s’est produit sur quelques scènes, Baloji parle de sa fascination pour la capitale de la République démocratique du Congo qui n’avait pourtant pas bonne presse en famille. Bravant l’interdit, il y a découvert une beauté qui lui convient bien. Et début février, Le Courrier de Kinshasa l’a rencontré en plein casting pour son premier long métrage.
Le Courrier de Kinshasa (L.C.K.) : Il semble que Kinshasa exerce un attrait particulier sur vous. Vous l’avez immortalisé dans votre second album "Kinshasa succursale" qui a connu la collaboration des musiciens d’ici, vous y avez tourné des clips sans compter les scènes où vous vous y êtes produit. Et maintenant, qu’est-ce qui vous y ramène ?
Baloji : Plusieurs choses. Je vais donner une drôle de réponse, une double réponse. Il y a d’abord une raison familiale, je suis Muluba Kat. Et je me souviens que chez nous, chez mes parents, on me disait : Kinshasa ce n’est pas bien. Les gens sont sauvages, ils ne sont pas comme nous, ne parlent pas comme nous. Ils n’ont pas une belle langue, c’est une langue de militaires. Ils n’ont pas le raffinement que nous avons ici. Et entendre cela m’a toujours fasciné. Poussé à aller justement là où mes parents me disaient de ne pas aller. J’ai donc toujours eu envie de travailler à Kinshasa pour leur dire que les choses ne devaient pas être axées sur les préjugés, une idée préconçue, qu’il était possible qu’un Katangais, un Kasaïen aille travailler à Kinshasa. Pourquoi pas ? Et y trouver de la beauté, du raffinement et de l’intelligence de la même manière qu’il les trouverait au Katanga, sans aucune distinction. C’était important pour moi de le faire. J’ai donc fait plusieurs films dont Zombies. Puis, j’ai tourné dans le Bandundu, à Lusanga deux fois et un shooting photo. Finalement, j’aime bien voyager dans le pays, je trouve cela important. Nous avons été à Goma, à Kisangani. C’est important de voyager, je pense que peu de gens ici le font. Des membres de l’équipe de production de Tosala nous ont accompagnés. Ils n’avaient jamais été à Lubumbashi, par exemple. Ma seconde motivation c’est que je prépare mon premier long métrage.
L.C.K. : Pourriez-vous nous dire de quoi vous parlez dans votre long métrage ? Est-il question de musique ?
Baloji : Non ! L’on n’en parle pas vraiment mais plutôt de plein d’autres choses. De la vie, beaucoup de deuil, de l’incitation à être taxé de sorcier ou sorcière, du patriarcat en Afrique, comment la misogynie est présente énormément sur le territoire, le pays, le continent et en Europe de la même manière en fait.
L.C.K. : Cinéaste, c’est une facette de vous que Kinshasa ne connaît pas. Quelle fonction avez-vous au juste dans l’univers du cinéma, réalisateur, producteur ?
Baloji : En fait, je suis le réalisateur de tous mes films "Indépendance cha-cha", "Zombies" et "Karibu ya Bintou". Mais je ne mettais mon nom et ainsi donc, les gens ne le savaient pas. Je suis réalisateur, oui. J’exerce depuis un bon moment et mes derniers films ont bien marché. Cela m’a donné confiance de sorte que j’ai commencé à développer un long métrage. Cela a été compliqué. Nous avons commencé en 2019 et nous voilà en 2022 pour le tourner. Si tout se passe bien, si Dieu le veut, nous tournons dans trois mois.
L.C.K. : Le tournage va se faire à Kinshasa. Quelle place occupe-t-elle dans le récit ?
Baloji : L’histoire se passe dans une ville imaginaire qui est le croisement de Kinshasa et Lubumbashi. À aucun moment je ne dis où l’on est. C’est un mélange des deux.
L.C.K. : Outre ce projet de film au carrefour de Kinshasa et Lubumbashi, sur quoi travaillez-vous d’autre après la pause imposée par la covid-19 ? Certaines activités en suspens à relancer ?
Baloji : Nous devions commencer une tournée africaine le 19 mars 2020 mais annulée pour cause de covid. La première fois que nous aurions fait une tournée en Afrique de l’Est, passant entre l’Ethiopie, l’Angola, Kampala en Ouganda, le Kenya, cela aurait été une expérience superbe. Nous rentrions par Goma, passions au Burundi et nous revenions à Kinshasa enregistrer. Tout cela a été annulé, une catastrophe.
L.C.K. : Enregistrer un nouvel album ?
Baloji : Plutôt la bande son du film qui s’appelle "Augure". Le film et la bande sonore sont tous deux intitulés de la même manière, "Augure".