Dans une lettre ouverte signée le 28 juillet et adressée au chef de l’Etat de la République démocratique du Congo (RDC), Félix-Antoine Tshisekedi, en rapport avec la vente des 27 blocs pétroliers et 3 blocs gaziers, la Société civile dit penser qu’« investir dans les fossiles maintenant est une option dépassée, parce que le monde a pris les engagements auxquels la RDC est partie prenante, notamment de migrer vers les énergies vertes ».
Pour les ONG réunies au sein de la Dynamique Pole, les hydrocarbures ne pourront qu’accentuer les problèmes climatiques, conflits violents entre les ayants droit fonciers et les concessionnaires éventuels. « Pour nous, l’expansion du secteur comporte des risques d’endettement public que les générations futures devront payer considérant le fait que le monde s’éloigne de plus en plus de la consommation des combustibles fossiles », ont indiqué ces organisations.
Ces ONG ont, en outre, rappelé que dans son discours du mois de février de l’année en cours, le secrétaire général des Nations unies avait déclaré à la suite du rapport de Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) que « l’industrie des combustibles fossiles est une impasse pour l’humanité, pour la planète et pour les économies ». Pour ces structures, tenant compte du fait qu’un projet pétrolier entre la phase d’acquisition de bloc et le début de la production du brut varie généralement entre 7 et 18 ans, la RDC ne pourra commencer à exploiter les hydrocarbures pour lesquelles les enchères sont lancées aujourd’hui. Et de noter que la situation en Ukraine, qui motiverait la RDC à lancer une exploitation de grande envergure, n’est pas rassurante non plus, à partir du moment où l’on ne maîtrise pas les perspectives d’ici 2040.
La Société civile fait aussi savoir que la volatilité du marché pétrolier expose justement la RDC à des risques énormes et la théorie de risque des actifs échoués trouve largement sa place dans cette perspective. Elle voit, ensuite, hypothétique, voire illusoire le gain projeté à ce jour, étant donné que le rapport du boite de conseil Mckenzie démontre le développement des actifs pétroliers et gaziers en Afrique sont en moyenne de 15 à 20 % plus coûteux que celles des actifs pétroliers et gaziers mondiaux, et leur intensité en carbone est de 70 à 80 % supérieure.
Apprendre des exemples des autres
Pour la Société civile, le Congo doit apprendre du Nigeria et des autres pays qui désinvestissent du fossile. « Aujourd’hui, des compagnies pétrolières comme Shell, Exxon, Chevron et Total commencent à liquider leurs actifs et à déplacer leurs activités au large des côtes ou à quitter le pays. C’est parce qu’elles savent ce qu’elles ont fait et ne veulent pas rendre compte de la destruction des communautés dont elles sont coupables. Elles savent aussi que dans l’océan, leurs impacts sont moins visibles et plus difficiles à contrôler », ont souligné ces ONG. Ces dernières ont aussi indiqué que maintenant, beaucoup de gouvernements se sont engagés dans un processus de réduire sensiblement l’exploitation des énergies fossiles (et même avec une régression vers zéro production) dans les années à venir. L’année dernière, font savoir ces organisations, trente-neuf pays et institutions se sont engagées à stopper les investissements publics (aux nouvelles) exploitations pétrolières et gazières et de promouvoir l’accès à l’énergie durable pour tous.
Des partenariats ne profitant pas à la RDC
Les ONG ont révélé, s’appuyant sur les expériences du secteur extractif de la RDC, que tous les partenariats aussi bien dans le secteur minier que pétrolier se sont fait dans une situation où le pays est en position de faiblesse. La conséquence en est, indiquent-elles, que tous ces partenariats n’ont pas bénéficié à la RDC, cette dernière ne maîtrisant pas son sous-sol. Pour ces organisations, les enchères pétrolières en vue de lancement les sont exactement dans les mêmes circonstances. « Il y a des risques qui se présentent qu’aucun investisseur sérieux ne pourra s’engager dans une transaction dont l’issue reste incertaine, aucune certification n’étant faite pour les gisements pétroliers des blocs concernés par ces appels d'offres. La probabilité est grande qu’il n’y ait que des sociétés juniors qui s’intéressent aux blocs, voire fictives sans capacité technique et financière, qui ne vont venir que pour des spéculations économiques comme cela a été le cas depuis 2007 », ont mentionné ces ONG, qui alertent que selon le New York Times, déjà, la compagnie pétrolière TotalEnergies a dit qu’elle ne prendrait pas part aux ventes aux enchères.
Surestimation des bénéfices de l’exploitation des blocs pétroliers en RDC sans études probantes
Notant que dans beaucoup d’interviews, le ministre des Hydrocarbures parle des milliards de dollars de recette pour l’Etat congolais pour cette exploitation, ces ONG se demandent comment, dans le cas où cela serait vrai, le Congolais lambda pourrait-il en profiter ? « L’exploitation minière devait apporter beaucoup d’argent pour le pays, mais il se vit en RDC un contexte assez particulier dominé par la corruption, coulage des recettes et autres problèmes qui font que la majorité de Congolais n’en profite pas de ses richesses », ont-elles fait savoir. Et de relever que plus de 90% de Congolais n’ont pas l’accès à l’électricité, pour ne citer qu’un des milieux de manque de services publics et sociaux des Congolais, notant, en plus, que les recettes envisagées ne couvrent pas les coûts environnemental, socio-économique et climatique qui entraînent l’exploitation pétrolière.
Des chiffres avancés sans études
Dans la suite de ses questionnements, la Société civile se demande également comment, sans études probantes, le gouvernement est arrivé à définir les chiffres avancés comme bénéfice. Généralement, note-t-elle, cela est motivé par les entreprises qui y portent leurs intérêts. « Nous savons pour ce faire que les multinationales ne se soucient que de leurs profits et demandent à l’Etat congolais d’assurer les risques associés à l’exploitation pétrolière comme le font les compagnies pétrolières en Ouganda voisin, vu les incertitudes de ce secteur, l’expansion de l’exploitation pétrolière », ont souligné ces organisations qui pensent que ceci constituerait un grand risque d’endettement pour le pays.
Soulignant plusieurs autres considérations, concernant le bénéfice pour les populations congolaises de ces exploitations, ces organisations disent attendre du président de la République d’initier une étude d’analyses technico-économiques, sociales et environnementales, climatiques préalables qui démontre que l’exploitation des pétroles bénéficierait la RDC et ses enfants dans le moyen et long terme. « La ville de Moanda est la preuve que l’exploitation pétrolière et gazière ne peut apporter le développement et n’est peut être fait dans le respect de l’environnement. L'impact de l'exploitation pétrolière faite dans le bassin côtier au Kongo central ne semble pas être visible ni palpable d’abord sur l’économie nationale, et puis surtout le contenu local. Au contraire, ces activités d’extraction pétrolière ont un coût environnemental et social considérable pour les populations locales », ont souligné ces ONG.
A la suite de ces considérations et plusieurs autres sur les plans social, environnemental, économique et politique, la Dynamique Pole dit inviter le chef de l’Etat à surseoir le processus de mise aux enchères de ces blocs pétroliers et gaziers en vue, « le temps qu’une étude minutieuse puisse être menées pour que la RDC lève conséquemment des options liées à l‘exploitation de ses hydrocarbures en particulier et de la définition de sa politique de développement durable, de manière générale ».