La fumée était blanche jeudi 8 mai au soir, au Vatican. Le conclave avait délibéré. Place Saint-Pierre, fidèles et touristes en attente ont exulté de joie. C’est le cardinal américain Robert Francis Prevost qui devient le successeur du pape François. Il a pris le nom de pape Léon XIV. Plus qu’un simple nom, il s’agit d’une succession de symboles vers laquelle les cardinaux électeurs ont orienté l’Eglise catholique du 21ème siècle jeudi : l’Eglise 2.00 qui aura à faire avec les nouvelles technologies et de la communication, l’intelligence artificielle, la dilution du message de l’Evangile dans des scepticismes de plus en plus dominants, et la diminution subséquente du nombre de fidèles. Ce vendredi 9 mai, le nouveau pontife a célébré sa première messe pontificale au Vatican.
Les défis qui attendent le nouveau Pape sont à la fois à l’intérieur et à l’extérieur de l’Eglise catholique. Son nom suggère qu’il veut se placer à la fois dans la continuité du pape Francois et dans l’attachement aux questions sociales qui ont caractérisé son prédécesseur Léon XII au début du 20è siècle. Dans la plupart des nations majoritairement catholiques, on ne prie plus et la voix du pape se fait volontiers bousculer par des spiritualités plus agressives. Le pape Léon XIV vient des Etats-Unis. C’est le premier pape d’origine américaine dans l’histoire. Il est fils d’immigrés français et italien aux Etats-Unis. Son prédécesseur, le pape François, était né de parents italiens immigrés en Argentine. Ces origines « croisées » semblent tracer la tendance.
Des défis multiples
Aujourd’hui, les questions sociétales soulignent une ligne de démarcation entre la partie de l’Eglise catholique marquée à gauche, progressiste, et l’aile la plus fidèle à la tradition. Bien plus, cette ligne de démarcation est également une ligne de division entre les églises d’Afrique et celles de l’occident. Quoique minoritaires en nombre, les fidèles catholiques en Occident gardent une influence certaine chez les chrétiens. Ayant composé la vague des missionnaires partis évangéliser les pays de colonisation au 18è siècle, elles continuent de représenter la « force de frappe » financière en Afrique.
La sécularisation qui touche profondément les sociétés conduit très visiblement à la proclamation de la séparation des secteurs d’influence : les Etats restent laïcs et les questions religieuses restent cantonnées à la sacristie. Pourtant, même ainsi délimitée, la zone d’évolution des églises en Occident évite difficilement l’empiètement sur les plates-bandes des Etats devenus sourcilleux devant la question religieuse. Voire hostiles. D’autant plus que les nouvelles religiosités, l’islam et des différents courants, se disputent le même espace du religieux.
L’Afrique, puissance dominante
Le Continent africain jouera très certainement un rôle majeur dans ce pontificat. Avant son élection, le Pape Léon XIV a travaillé au Vatican comme chef de dicastère (ministère). Il était en charge de la nomination des évêques catholiques dans le monde. C’est, pour ainsi dire, qu’il connaît tous les évêques africains, et en premier lieu ceux qui ont été donnés (par les médias) comme papabili (possibles papes). A un moment, la question a été ouvertement lancée : est-ce le tour de l’Afrique ? Après une hégémonie occidentale de près de deux mille ans, le tour est-il venu pour l’Afrique de prendre les rênes de l’Eglise catholique ?
Apparemment, le Conclave (la réunion des cardinaux électeurs dans la chapelle Sixtine a tranché par la négative. Il restera à voir avec la prochaine désignation par le nouveau pape de quelle manière celui-ci prendra en compte l’immense atout que représente le dynamisme d’une Eglise africaine exubérante, qui appelle à l’ouverture de nouveaux espaces de prière, à jouer un rôle plus accru dans la résolution des crises sur le continent tout en se démarquant fermement des questions sociétales qui occupent l’Occident. L’avortement, les unions homosexuelles, l’euthanasie restent majoritairement taboues au sein de l’Eglise en Afrique.
(A suivre)