Non, les entreprises françaises ne sont plus en position de force en Afrique.
C’est le message clair d’Étienne Giros, président du CIAN (Conseil français des investisseurs en Afrique), dans son dernier plaidoyer pour un engagement plus audacieux des opérateurs hexagonaux sur le continent. « C’est une erreur de croire que nous sommes en position de monopole », martèle-t-il. Et pour cause : face à la montée en puissance des concurrents chinois, turcs, indiens ou émiratis, les entreprises françaises, autrefois toutes-puissantes dans l’ex-empire colonial, doivent désormais batailler pour conserver leur place. Ports, télécoms, BTP, énergie… les anciens bastions sont aujourd’hui disputés.
Un constat d’immobilisme dans un continent en mouvement
Étienne Giros ne mâche pas ses mots : trop frileuses, les entreprises françaises « renoncent ou ralentissent », paralysées par le « ressenti du risque africain ». Il évoque le poids de la corruption, les incertitudes politiques, mais aussi les errements post-Covid et les stigmates des départs militaires au Sahel. Pourtant, les chiffres sont là : plus de 5 000 entreprises françaises sont encore présentes, avec 700 000 emplois locaux et un chiffre d’affaires de 100 milliards d’euros. Mais cette présence reste sous tension. Et sans un sursaut stratégique, elle pourrait s’éroder.
La critique du discours politique : entre méconnaissance et caricature
Etienne Giros s’en prend aussi aux discours tenus à Paris, qu’ils viennent du président de la République Emmanuel Macron ou de Jean-Luc Mélenchon, président de la France insoumise. Tous deux dénoncent une rente coloniale. Faux, rétorque-t-il : « la compétition est rude, l’innovation est indispensable, et la notion de rente relève désormais du fantasme plus que du fait ». Il cite l’exemple d’Air France : « les prix élevés ne tiennent pas à une volonté de domination, mais à une réglementation bilatérale rigide. Le monopole, ici, serait davantage politique qu’économique ».
Une présence menacée par les risques - et par l’image
Le récit d’un groupe français confronté à une demande de pot-de-vin illustre la réalité de terrain : pour les PME, le coût de la conformité et les risques réputationnels sont parfois dissuasifs. Loin de s’imposer, les entreprises françaises se sentent souvent plus vulnérables que dominantes. L’affaire Bolloré, toujours sous enquête, pèse aussi sur l’image de la France entrepreneuriale en Afrique. Mais Etienne Giros insiste : ce n’est pas un désengagement, c’est une réorientation. Bolloré quitte la logistique mais investit dans les médias, la fibre, et les contenus audiovisuels.
Analyse critique : le réveil est tardif, mais encore possible
Le discours d’Étienne Giros sonne comme un électrochoc : la nostalgie des positions acquises ne fera pas politique économique. Il plaide pour une France entrepreneuriale plus courageuse, mieux armée juridiquement, et surtout plus respectueuse des nouvelles réalités africaines. L’Afrique n’est plus une arrière-cour, mais un carrefour mondial. À la France de choisir : être un acteur parmi d’autres, ou sortir du jeu.










