À la 4e Conférence internationale sur le financement du développement, l’Algérie a lancé un appel clair et diplomatique : sans un allègement urgent de la dette extérieure, les pays africains ne pourront pas répondre aux exigences du développement durable. Un cri d’alarme qui résonne comme un défi lancé à l’architecture financière mondiale.
« L’aggravation de la dette extérieure de l’Afrique est devenue l’un des plus grands obstacles à son développement », a martelé le Premier ministre algérien, Nadir Larbaoui, s’exprimant à Séville au nom du président Abdelmadjid Tebboune. À la tribune de la Conférence internationale sur le financement du développement, il a dénoncé « un dilemme » qui freine la transformation structurelle du continent africain et qui exige une réponse internationale urgente.
Une dette insoutenable : 4 000 milliards de dollars de déficit annuel
D’après le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, les pays du Sud accusent un déficit de financement de 4 000 milliards de dollars par an pour atteindre les Objectifs de développement durable à l’horizon 2030. Or, pour nombre d’États africains, cette dette extérieure, souvent contractée à des conditions onéreuses, devient un piège structurel. Selon la Banque mondiale, plus de vingt pays africains consacrent aujourd’hui plus de 30 % de leurs recettes fiscales au service de la dette, un niveau jugé insoutenable et incompatible avec les investissements nécessaires en santé, éducation ou infrastructures.
L'Algérie plaide pour une gouvernance plus équitable
En appelant à un allégement – voire à une annulation – de la dette de certains pays africains, l’Algérie s’inscrit dans un mouvement de plus en plus audible parmi les pays du Sud. Mais Alger va plus loin : elle réclame une réforme en profondeur de la gouvernance financière mondiale. « Le système multilatéral doit consolider les principes de justice », a plaidé Nadir Larbaoui. L’Algérie préconise notamment la création d’un cadre onusien pour combler les écarts d’endettement, et pour réformer la notation de crédit - un mécanisme jugé opaque et coûteux pour de nombreux pays africains. Ces agences, basées en majorité dans les pays du Nord, sont régulièrement accusées d’amplifier le risque perçu de certains États, renchérissant mécaniquement le coût de l’emprunt.
Un enjeu stratégique mondial
Derrière les chiffres et les revendications techniques, c’est une lecture géopolitique qui s’impose. Dans un contexte de fragmentation des chaînes d’approvisionnement, de transition énergétique mondiale, et de compétition pour les ressources stratégiques (minéraux critiques, terres arables, énergie), l'Afrique devient un terrain d’enjeux économiques globaux. Pour les partenaires du Sud, ne pas résoudre la crise de la dette, c’est risquer une spirale de dépendance, de conflits sociaux, et de perte de souveraineté économique. À l’inverse, un accès élargi à un financement transparent et équitable pourrait transformer l’Afrique en acteur de la croissance mondiale, avec une jeunesse dynamique et un potentiel démographique sans équivalent.
L’axe Sud-Sud en renforcement
L’intervention algérienne s’inscrit également dans une dynamique de solidarité Sud-Sud. L’Algérie multiplie les initiatives diplomatiques sur les scènes africaines et multilatérales pour promouvoir un ordre mondial multipolaire plus inclusif. À cet égard, Alger partage des positions proches de celles du G77 ou du groupe Brics+, auquel elle ambitionne de s’intégrer. Cette posture stratégique vise à renforcer le poids collectif des pays du Sud dans les institutions financières internationales, où ils restent largement sous-représentés. Aujourd’hui encore, les pays africains ne détiennent que 7 % des droits de vote au Fonds monétaire international, contre 60 % pour les pays du G7.
Crise à Gaza et cohérence diplomatique
Dans un registre plus géopolitique, le Premier ministre algérien a également évoqué la guerre à Gaza, dénonçant « une guerre d’extermination » et appelant à la cessation des hostilités. Ce lien entre justice économique et justice politique, notamment au Moyen-Orient, traduit une volonté de cohérence diplomatique de la part d’Alger, dans un contexte international marqué par de profondes tensions Nord-Sud.
Vers un Bretton Woods africain ?
L’appel algérien, lancé depuis Séville, résonne comme un avertissement : le système financier international, hérité de Bretton Woods, ne répond plus aux besoins du 21e siècle. À quelques mois de la révision du Pacte mondial de financement du développement prévue en 2026, les pays africains, soutenus par leurs partenaires du Sud, réclament désormais une refondation des règles du jeu. Si la communauté internationale veut éviter une décennie de stagnation et d’instabilité sur le continent le plus jeune du monde, le signal est clair : le temps d’agir est maintenant.
Chiffres clés
- Dette extérieure des pays africains : 1 130 milliards de dollars (source : Banque mondiale, 2024)
. Déficit de financement du développement pour les pays du Sud : 4 000 milliards de dollars/an (source : ONU, 2025)
- Part des pays africains au FMI : 7 % des droits de vote
- Part du service de la dette dans les recettes publiques de certains pays africains : >30 %