Tensions entre Malabo & Paris: quand un hôtel devient un symbole de souveraineté

Mardi, Juillet 8, 2025 - 23:15

"Un hôtel, un symbole, une bataille pour la souveraineté diplomatique".

La Guinée équatoriale vient de franchir un nouveau seuil dans le bras de fer judiciaire qui l’oppose à la France. Dans une requête déposée devant la Cour internationale de justice (CIJ) à La Haye, Malabo demande à la juridiction onusienne d’intervenir en urgence pour empêcher la vente d’un hôtel particulier saisi sur l’avenue Foch à Paris, estimant que le bien relève de sa souveraineté diplomatique. Cette propriété, d’une valeur estimée à plus de 150 millions d’euros (100 milliards FCFA), avait été confisquée par la justice française dans le cadre de l’affaire dite des « biens mal acquis », qui a conduit en 2021 à la condamnation de Teodoro Nguema Obiang Mangue, vice-président équatoguinéen. La peine comprenait trois ans de prison avec sursis et 30 millions d’euros (20 milliards FCFA) d’amende. « La France n’a pas seulement confisqué un bien immobilier, elle a sapé notre souveraineté », déclare un conseiller juridique équatoguinéen, sous couvert d’anonymat.

Diplomatie, justice et influence

La Guinée équatoriale soutient que le bâtiment est protégé par les conventions internationales sur les missions diplomatiques, notamment la Convention de Vienne de 1961, et accuse la France d’avoir violé ses engagements en pénétrant dans le bien et en changeant les serrures. Paris, de son côté, reste silencieux pour l’instant. Mais les enjeux sont lourds. Cette affaire pourrait raviver les tensions entre l’Afrique centrale et les puissances occidentales sur la question du respect des immunités diplomatiques face aux procédures judiciaires internationales contre des dignitaires africains. « Nous assistons à une reconfiguration postcoloniale du droit international, où le droit de propriété croise celui des peuples à ne pas être pillés », estime un expert en droit international.

L’enjeu stratégique

Au-delà de l’hôtel particulier, ce dossier cristallise une lutte d’influence judiciaire, où le droit devient un levier de puissance. Pour la France, la condamnation de Teodoro Nguema Obiang Mangue, du vice-président équatoguinéen incarne une volonté politique de lutter contre la corruption transnationale. Pour la Guinée équatoriale, c’est une atteinte à sa souveraineté et un précédent diplomatique dangereux. Si la CIJ accepte la requête de Malabo et ordonne un moratoire sur la vente du bien, cela pourrait freiner les futures actions judiciaires occidentales contre des biens africains sur son sol, au nom de la protection diplomatique. D’autant  plus ces acquisitions sont négociées au vu et  au su de l’administration française. Dans le cas contraire, cela validerait implicitement la primauté des juridictions nationales sur certains privilèges diplomatiques.

Stratégie et intelligence économique

La présence d’actifs étrangers sur le territoire français soulève également des enjeux d’intelligence économique : qui contrôle les flux financiers ? Quel signal envoie la France aux élites africaines qui investissent à Paris ou Londres ? Et comment l’Union européenne harmonisera-t-elle sa doctrine sur les saisies d’actifs dans un contexte de mondialisation des litiges ? « Le dossier dépasse la France et la Guinée équatoriale. Il dessine un futur où la géopolitique des actifs deviendra un champ de bataille diplomatique », résume un ancien diplomate africain.

Noël Ndong
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