Au lancement de l’enseignement nationalisé, les États africains ont mal amorcé le processus. Faute de cadres suffisants pour enseigner, ils ont dû faire appel à des pays amis. Cette situation a profondément impacté le système éducatif, entraînant les nombreuses difficultés que l’Afrique connaît aujourd’hui. Cette préoccupation a été soulevée par le Professeur Anaclet Tsopmambet, promoteur du Complexe scolaire Excellence Plus, lors d’un entretien accordé à notre rédaction, à la suite de sa décoration par le Réseau des Journalistes Communicateurs Congolais pour la Promotion et l’Émulation du Citoyen (RJCCPEC).
Les Dépêches du Bassin du Congo (LDBC) : Vous venez d’être une nouvelle fois décoré par le RJCCPEC. Quelles sont vos impressions après avoir reçu ce Prix de leadership ?
Pr. Anaclet Tsopmambet (Pr. A. T.) : C’est une consécration. Avant ce prix, j’en avais déjà reçu plusieurs – pas moins de cinq. Ce Prix de leadership vient donc couronner tous les efforts fournis au sein de notre établissement pour mériter cette reconnaissance. Je tiens à remercier le Réseau ainsi que tous ses membres pour ce geste. Cela participe à l’amélioration du système éducatif. Beaucoup aspirent à recevoir une telle distinction, et cela crée une émulation interne, bénéfique pour tout le secteur.
LDBC : Que représente, selon vous, le leadership ?
Pr. A. T. : Le leadership ne se décrète pas, il se construit. Le problème, c’est que nous n’avons pas encore compris quelle attitude adopter si nous voulons figurer parmi les nations les plus avancées. Je vais vous citer deux exemples.
Un jour, un ambassadeur d’un pays très influent m’a rendu visite alors que j’étais conseiller au ministère de l’Enseignement supérieur. Il m’a confié son incompréhension face au peu de considération que nous accordons à nos cadres. Selon lui, leur pays investit dans la formation de nos ressortissants, non pas parce qu’ils ont résolu tous leurs problèmes, mais parce qu’ils savent que nos besoins sont encore plus grands. C’est une forme de solidarité. Pourtant, une fois ces cadres formés et de retour au pays, on les marginalise, comme si le pays n’avait pas besoin d’eux. C’est un gaspillage de ressources humaines inacceptable.
Un autre ambassadeur, de Chine cette fois, m’a fait remarquer que, il y a 40 ans, la Chine était au même niveau que les pays africains. Mais ils ont misé sur la formation. Ils ont envoyé leurs étudiants dans le monde entier avec des objectifs précis : apprendre, copier, puis innover. Aujourd’hui, la Chine figure parmi les grandes puissances. Voilà ce que le leadership peut accomplir quand il s’accompagne d’une vision.
LDBC : Puisque vous abordez la formation des cadres, peut-on dire qu’un bon management a été mis en place dans le secteur éducatif ?
Pr. A. T. : Non, malheureusement. En ce qui concerne l’enseignement, nous avons commis de graves erreurs depuis la nationalisation. Nous n’avons pas mesuré l’ampleur du chantier, et nous nous sommes précipités. Résultat : des conséquences désastreuses.
Nous avons dû faire venir des enseignants étrangers, souvent de pays amis, qui ne parlaient même pas français. Les élèves notaient mot pour mot les absurdités qu’ils entendaient. Ensuite, nous avons recruté des enseignants comme s’ils sortaient tout droit du marché, sans aucune formation pédagogique. On les a mis dans les salles de classe, et ils ont contribué à abîmer des générations entières.
Aujourd’hui encore, le redressement tarde. Le déficit en enseignants formés est toujours là. Le ministre a récemment parlé d’un besoin massif en recrutements. Mais en attendant, ce sont des volontaires et des enseignants communautaires – souvent sans formation – qui assurent les cours. Or, enseigner, c’est transmettre des connaissances, et pour bien les transmettre, il faut d’abord les maîtriser.
LDBC : Dans certains instituts pédagogiques, on observe des formations en pédagogie de six mois. Est-ce vraiment recommandé ?
Pr. A. T. : En principe, la loi l’interdit. Les institutions privées ne sont pas autorisées à assurer la formation pédagogique des enseignants. Si certaines prennent cette initiative, c’est en marge de la législation. La formation des enseignants relève de la responsabilité de l’État. À mon avis, s’il existe de telles pratiques, l’État doit impérativement intervenir pour remettre de l’ordre dans ce secteur.