Algérie–UE : Vers une crise de gouvernance commerciale ?

Vendredi, Juillet 18, 2025 - 12:15

Arbitrage unilatéral, souveraineté contestée et tensions autour de l’Accord d’association.

 

Alger dénonce une « décision unilatérale et hâtive » de l’Union européenne après le lancement officiel, le 17 juillet, d’une procédure d’arbitrage sur fond de différend commercial. Bruxelles accuse l’Algérie de restrictions au commerce et à l’investissement, notamment depuis l’instauration de contrôles renforcés sur les importations dès 2021. Le volume des exportations européennes vers Alger aurait chuté de 30 % entre 2014 et 2024, selon la Commission européenne. Mais pour Alger, cette initiative viole la lettre et l’esprit de l’Accord d’association de 2005, qui encadre les relations bilatérales. « Rien ne justifiait une interruption aussi abrupte du dialogue », a regretté le ministre des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, dans une lettre adressée à Kaja Kallas, Haute Représentante de l’UE. « Seul le Conseil d’association est habilité à trancher les différends. Il n’a pas été convoqué depuis cinq ans », a souligné  Ahmed Attaf.

Un désaccord plus politique que technique

Si six des huit points soulevés par l’UE étaient en voie de règlement, selon Alger, les deux autres restaient en négociation. L’Algérie évoque même des propositions formelles restées sans réponse, ce qui accrédite l’idée d’un geste unilatéral de Bruxelles, jugé politiquement motivé. Cette affaire soulève une question plus large : quelle lecture partagée des mécanismes de règlement des différends commerciaux, dans un contexte où l’UE tente de sécuriser ses intérêts dans la Méditerranée face à des partenaires sud-méditerranéens en quête de souveraineté économique renforcée. « Ce contentieux dépasse le droit commercial. Il renvoie à la redéfinition des rapports Nord–Sud autour de la souveraineté économique »,  a déclaré Leïla Ben Saïd, experte en droit euro-méditerranéen.

Enjeux géopolitiques et stratégiques

  • L’Algérie, pivot énergétique et commercial du Maghreb, reste un partenaire stratégique pour l’Europe, notamment dans le contexte post-gaz russe.
  • Cette crise pourrait fragiliser le cadre euro-méditerranéen, à l’heure où l’UE souhaite relancer une intégration économique avec l’Afrique du Nord.
  • Alger y voit aussi une tentative de contourner les mécanismes de codécision, une posture qui pourrait alimenter un précédent juridique.

Dialogue ou fracture ?

L’appel d’Alger à convoquer « dans les plus brefs délais » le Conseil d’association témoigne d’un souci d’apaisement dans le respect des cadres établis. Mais l’affaire révèle une fragilité structurelle du dialogue euro-algérien, où la diplomatie économique reste à la fois un outil d’influence… et de crispation. « Ce dossier arbitrera aussi la capacité de l’UE à respecter la souveraineté juridique de ses partenaires », a indiqué Rachid Belaïd, analyste en intelligence stratégique.

Noël Ndong
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