Résidence artistique : Jacques Quentien Mayala, une voix congolaise dans les interstices ancrés des Grasslands camerounais

Mercredi, Août 6, 2025 - 23:30

Nichée entre collines brumeuses et terres de chefferies, la localité de Bâtier, au cœur des Grasslands du Cameroun, accueille la nouvelle édition de la Résidence des Artistes Contemporains (RACG2025). Cette année, le thème “Interstices ancrés” invite les artistes à explorer les zones d’entre-deux : entre passé et futur, visible et invisible, tradition et modernité. Le plasticien congolais Jacques Quentien Mayala y prend part avec une œuvre immersive et viscérale, en dialogue direct avec les esprits du lieu.

Artiste profondément enraciné dans la matière, Quentien Mayala interroge les fragments d’histoire, les cicatrices urbaines et les liens brisés de la mémoire collective. Pour cette résidence, il travaille sur une œuvre monumentale qui symbolise les chemins la tradition africaine, les écocides, et les passages sacrés. Chaque œuvre explore un interstice : entre vie du passé, présent et futur. Elle est composée des matériaux locaux (fibres, terre, pigments, objets récupérés) afin d’intégrer des symboles issus des royaumes bamoun ou bamiléké en dialogue avec ceux du Kongo, dont le croisement va créer un langage entre les territoires.

 « Je veux habiter les interstices. Ces endroits fragiles où la mémoire résiste, où l’oubli rôde, mais où l’ancrage est encore possible. Ces espaces invisibles entre les blessures du passé et les espoirs du futur. Sont pour moi des brèches où peuvent encore s’enraciner la mémoire, la spiritualité et la résistance. », a confié l’artiste. Et a ajouté « il y’a les interstices de la mémoire africaine qu’il est urgent de préserver ou de faire parler : les rituels, les traditions orales, les objets de culte, les mythes comme Lemba ou le Vodou Kongo. Ce sont des fragments vivants de notre mémoire collective qu’il faut préserver avant qu’ils ne disparaissent ».

La résidence RACG2025 n’est pas un simple atelier délocalisé. C’est un territoire de création totale, où les artistes vivent, écoutent et dialoguent avec les savoirs traditionnels. Dans les Grasslands, chaque pierre, chaque objet, chaque geste est porteur de récits. Pour Mayala, ces éléments deviennent matériaux de réflexion : il collecte, assemble, déconstruit pour créer des formes hybrides, entre reliques et ruines symboliques.

Son installation en cours évoque des sanctuaires effondrés, des sièges abandonnés, comme autant de lieux suspendus dans le temps. L’œuvre questionne les mémoires africaines abîmées par la colonisation, les exils, l’oubli. Elle cherche à réancrer la parole et les regards dans le sol même qui les a portés.

Notons que, la présence de Jacques Quentien Mayala à RACG2025 est un moment fort pour la scène artistique congolaise. À travers sa participation, il incarne une génération d’artistes qui refusent le silence, qui creusent dans les interstices pour y faire pousser de nouveaux récits plastiques africains. Son œuvre, bien qu’ancrée dans son vécu brazzavillois, entre en résonance avec les réalités des Grasslands, créant une passerelle poétique et politique entre deux territoires d’Afrique centrale.

L’exposition de clôture prévue le 30 août à Bâtier rassemblera les créations de tous les résidents afin d’offrir au public une traversée sensible et critique des lignes de fracture et des ancrages du continent.

Divine Ongagna
Légendes et crédits photo : 
Photo: Jacques Quentien Mayala,
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