Face au désenchantement croissant de la société congolaise, minée par les dérives morales, les violences ordinaires et les frustrations du quotidien, l’écrivain congolais Yan Kantu livre une œuvre qui résonne comme un cri intérieur : « Couleurs de ma mémoire ». Parue le 2 août dernier aux Éditions Étoiles Filantes, cette publication se présente non pas comme un simple récit, mais comme une traversée introspective à haute intensité.
Dans les méandres de Kinshasa, où chaque jour s’impose avec ses embouteillages étouffants, ses tracasseries routières et ses injustices latentes, l’auteur capture la matière brute du réel pour la transformer en réflexion littéraire. Ce recueil, composé de douze chapitres condensés sur 56 pages, est un condensé d’émotions, un miroir tendu à une société en quête de repères.
Rencontré dans la capitale, Yan Kantu évoque sans détour la genèse de son texte : « Ce livre est né d’un besoin urgent de dire, de poser les mots là où le silence menaçait de nous étouffer. » Il y aborde sa relation au Congo, à son passé, son présent incertain et son futur espéré. Loin d’une posture analytique, l’auteur adopte une démarche existentielle, presque méditative, où chaque anecdote devient prétexte à une remise en question.
« Couleurs de ma mémoire » est bien plus qu’un journal intime. C’est une offrande lucide faite aux lecteurs, une invitation à revisiter leur propre histoire, à puiser dans leurs failles la force d’avancer. L’auteur s’adresse à tous, jeunes, vieux, sages ou en devenir, avec une humanité désarmante. Il n’édicte pas de morale, mais propose des clés, des pistes de réflexion pour retrouver du sens au cœur du chaos.
Sous une plume sobre mais pénétrante, Yan Kantu expose les ambiguïtés de son époque. Il questionne les modèles de réussite, les illusions collectives, le rapport au pouvoir, à l’attente et à la patience. Son écriture, faite de clairvoyance et de mélancolie, rappelle que la mémoire n’est pas un sanctuaire figé, mais une matière vivante à réinterpréter sans cesse.
Dirigeant lui-même la maison d’édition Étoiles Filantes, Yan Kantu confirme son double engagement, à la fois créatif et structurel. Formé en maintenance industrielle à l’ISTA, il brouille les frontières entre technique et littérature, entre rigueur et sensibilité. Son premier ouvrage, « Ombre de la mort », publié en 2021, posait déjà les jalons d’une parole affranchie, résolument tournée vers l’émancipation intellectuelle.
Avec « Couleurs de ma mémoire », il revient plus mûr, plus incisif, porté par une volonté de provoquer un sursaut. Ce livre est un tremblement discret, une secousse lente, mais durable, dans le paysage littéraire congolais. À l’heure où l’érosion des repères semble s’accélérer, Yan Kantu trace sa voie, entre lucidité et espérance.