Accès pour tous à l’énergie : une étude menée par la Corap à Kinshasa interpelle les autorités du secteur

Mardi, Décembre 2, 2025 - 14:00

Intitulé le « Baromètre de l’accès pour tous à l’énergie en RDC : ce que pensent les Kinois sur l’accès à l’électricité », ce rapport accablant relève la situation précaire de l’accès à l’énergie dans la capitale congolaise et propose des pistes de solution en vue de l’améliorer et faciliter ainsi le développement de la ville et du pays tout entier.

La Coalition des organisations de la Société civile pour le suivi des réformes et de l'action publique (Corap) a rappelé, le 1er décembre 2025, lors d'un dîner de presse tenu dans la salle du restaurant Les auspices, dans la commune de la Gombe, l'importance de l'électricité ou de l'énergie pour le développement. La Corap a également profité de cette rencontre qui avait parmi ses objectifs, la consolidation de ses liens avec la presse afin d’avancer ensemble sur les questions essentielles qui touchent la ville de Kinshasa voire la RDC, pour lancer officiellement son rapport, « Baromètre de l’accès pour tous à l’énergie en RDC : ce que pensent les Kinois sur l’accès à l’électricité », résultat du sondage réalisé sur l’approvisionnement en électricité dans la ville de Kinshasa.

« Le développement du pays dépend directement de notre capacité à garantir l’accès pour tous à l’énergie électrique. Sans énergie, il ne peut y avoir de développement », a déclaré le secrétaire exécutif de la Corap, Emmanuel Musuyu.

« Les enquêtes menées dans les provinces, dans le cadre de notre initiative Baromètre d’accès à l’électricité en RDC visent à mesurer les niveaux d’accès et de réaliser des études destinées à proposer des réponses aux défis identifiés dans le secteur », a précisé le chargé de plaidoyer et responsable de l’axe « Accès pour tous à l’énergie » au sein de la Corap, Justin Mobomi.

Un outil de plaidoyer, de sensibilisation et d’interpellation.

Le « Baromètre de l’accès pour tous à l’énergie en RDC : ce que pensent les Kinois sur l’accès à l’électricité » est, en effet, selon la Corap, un outil de plaidoyer proposant des réponses aux défis identifiés.

Cette enquête fournit une vision précise des réalités énergétiques  à Kinshasa, indispensable pour identifier les zones prioritaires et orienter les mesures visant à améliorer la fourniture électrique dans la capitale.

Ce sondage, mené sur huit mois (octobre 2024 – mai 2025), a touché l’ensemble des 24 communes de Kinshasa, à l’exception de Maluku et Kisenso. Bien que la participation ait été variable, les réponses recueillies dans presque toutes les communes témoignent d’une prise de conscience collective et d’un intérêt marqué des Kinois pour la question énergétique.

Selon les conclusions de cette étude, la majorité des Kinois ayant participé à ce sondage ont noté la fourniture en électricité comme étant très faible, soit 1/10, représentant 108 personnes suivi de 3/10 (101 personnes) et 2/10 (81 personnes). 55 personnes ont attesté que la fourniture en électricité était à 5/10. Seules 4 personnes ont déclaré que la fourniture en électricité dans leurs quartiers est de 10/10, et 15 personnes l’ont évaluée à 9/10.

« Près de 75% des participants attribuent les notes les plus faibles à la qualité de la fourniture en électricité », a conclu la Corap.

« Ainsi, l’évaluation de la qualité de la fourniture en électricité, sur la base des notes attribuées par les participants, met en évidence une réalité préoccupante : la majorité des ménages kinois vivent avec un service jugé très faible, bien en deçà des standards attendus. Cette perception négative, largement partagée dans toutes les communes, traduit un malaise profond et prépare le terrain pour analyser en détail les causes structurelles et conjoncturelles de ce faible accès à l’électricité », a-t-elle indiqué.

A en croire la Corap, ce constat montre non seulement l’incapacité structurelle de la SNEL à répondre aux besoins croissants de la capitale, mais aussi l’ampleur du désenchantement des usagers.

« Face à ce déficit, les ménages développent des stratégies alternatives souvent coûteuses et insoutenables : recours massif au charbon de bois, accentuant la déforestation dans les périphéries ; usage du gaz GPL et autres combustibles fossiles, avec des risques pour la santé et l’environnement ; adoption croissante de solutions solaires domestiques, mais encore limitées aux ménages ayant un minimum de moyens financiers », a souligné cette plateforme d’ONG.

Quant aux causes profondes de cette situation, cette étude a révélé qu’au-delà de la vétusté des infrastructures, plusieurs dynamiques urbaines, institutionnelles et socio-politiques expliquent l’ampleur de la crise énergétique à Kinshasa. Il s’agit notamment de l’urbanisation non planifiée et anarchique ;  de la pression des infrastructures modernes ; des défaillances institutionnelles et financières ; de la croissance démographique et pression migratoire ; et de la gouvernance parallèle et informelle.

Et, les conséquences de cette situation sont multiples dont, sur le plan social, les inégalités accrues entre ménages capables de financer des solutions alternatives et ceux contraints de subir les coupures permanentes ; sur le plan économique,  la perte de productivité pour les petites entreprises, blocage du développement industriel et augmentation du coût de la vie ; sur le plan environnemental, la pression accrue sur les forêts périurbaines et hausse de l’usage de combustibles fossiles, contribuant aux émissions de gaz à effet de serre. Alors que sur le plan sanitaire, il y a l’exposition des populations aux incendies domestiques, aux inhalations de fumée (charbon, kérosène) et aux risques électriques.

Les autorités interpellées  

Les résultats du sondage ont directement interpellé les décideurs publics et privés. Pour sortir de cette impasse, plusieurs pistes se dessinent. Il s’agit notamment  de la réhabilitation et modernisation urgente des infrastructures (cabines, lignes, disjoncteurs) héritées de l’époque coloniale, de la planification urbaine intégrée afin de lier aménagement des parcelles, extension des réseaux et normes techniques d’électrification, du développement des énergies renouvelables décentralisées, notamment le solaire, à travers un appui technique et financier aux ménages et PME locales. Il y a également l’assainissement de la gouvernance de la SNEL, incluant le règlement des dettes publiques, la transparence et la lutte contre la corruption des « journaliers » ; la mise en place d’un mécanisme de financement innovant associant bailleurs, secteur privé et État pour des projets pilotes d’électrification dans les zones les plus touchées ; ainsi que l’éducation et sensibilisation communautaire pour encourager les pratiques sécurisées et responsables dans la consommation et la gestion de l’énergie.

Lucien Dianzenza
Légendes et crédits photo : 
1 et 2.. La salle, lors de cette rencontre/Adiac
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