RDC–Rwanda : Washington accuse Kigali de saboter la paix et brandit la menace de représailles

Lundi, Décembre 15, 2025 - 18:45

Les États-Unis dénoncent une violation « claire » de l’accord de Washington par le Rwanda et alertent sur un basculement sécuritaire majeur dans les Grands Lacs, alors que le M23 étend son contrôle militaire à l’est de la RDC.

La tension diplomatique entre Washington et Kigali franchit un nouveau seuil. Samedi 13 décembre, le secrétaire d’État américain Marco Rubio a publiquement accusé le Rwanda de violer l’accord de paix signé à Washington avec la République démocratique du Congo (RDC), promettant une réponse américaine pour en garantir le respect. Une prise de position rare par sa fermeté, qui marque un tournant dans la gestion internationale du conflit à l’est congolais. « Il s’agit d’une violation claire des engagements pris », a déclaré Marco Rubio sur X, laissant entendre que les États-Unis ne se contenteraient plus de mises en garde diplomatiques. Cette déclaration intervient alors que, sur le terrain, les combats se sont intensifiés malgré la médiation internationale conduite sous l’égide de Donald Trump, censée enclencher une désescalade durable.

L’ONU alerte sur un risque de guerre régionale

La veille, devant le Conseil de sécurité de l’ONU, l’ambassadeur américain Mike Waltz avait déjà dressé un constat alarmant. Il a accusé Kigali de conduire la région « vers plus d’instabilité et vers la guerre », évoquant un risque réel d’embrasement régional dans les Grands Lacs. Pour Washington, le comportement rwandais ne relève plus d’une ambiguïté stratégique, mais d’un choix assumé de confrontation indirecte. Les États-Unis se disent désormais « profondément inquiets » de l’ampleur de l’implication rwandaise en RDC, un discours qui tranche avec des années de prudence vis-à-vis d’un allié longtemps perçu comme un pilier de stabilité régionale et un partenaire sécuritaire clé.

Un soutien militaire massif au M23

Selon les autorités américaines, entre 5 000 et 7 000 soldats rwandais combattraient directement aux côtés du M23, appuyés par des équipements lourds, des missiles sol-air, des drones de reconnaissance et d’attaque, et une logistique structurée. Ces capacités ont permis au groupe armé de franchir un seuil stratégique décisif. Après la prise de Goma et de Bukavu, le M23 a lancé une nouvelle offensive dans le Sud-Kivu, s’emparant notamment d’Uvira, ville clé sur le lac Tanganyika. Le groupe contrôle désormais un axe stratégique à la frontière burundaise, faisant peser une menace directe sur l’équilibre sécuritaire du Burundi et sur les corridors commerciaux régionaux.

Enjeux géopolitiques et basculement stratégique

Au-delà du terrain militaire, l’enjeu est géopolitique et géostratégique. Pour Washington, laisser Kigali poursuivre cette stratégie reviendrait à accepter une redéfinition violente des frontières d’influence en Afrique centrale. Pour Kinshasa, il s’agit d’un combat pour la souveraineté nationale, dans une région riche en ressources minières stratégiques (coltan, or, terres rares) essentielles aux chaînes de valeur mondiales. Cette crise met également à l’épreuve la crédibilité des mécanismes internationaux de paix et le rôle des grandes puissances dans le Sud global. La promesse américaine de « mesures » ouvre la voie à plusieurs scénarios : pressions diplomatiques renforcées, sanctions ciblées, ou conditionnement de l’aide sécuritaire.

À l’est de la RDC, la guerre n’est plus seulement locale. Elle est devenue un nœud stratégique mondial, où se croisent sécurité, ressources, rivalités régionales et crédibilité des engagements internationaux.

Noël Ndong
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