Lutte contre les hépatites virales B et C : les médecins de Pointe-Noire souhaitent la mise en place d’un programme national

Mercredi, Juillet 30, 2014 - 16:00

Ce souhait a été émis au cours de la matinée scientifique organisée le 28 juillet dans la salle de conférence de l’hôpital général Adolphe Sicé à l’occasion de la célébration de la journée mondiale de lutte contre les hépatites virales qui s’est déroulée cette année sous le thème : « Plus proche qu’on ne croit».

 

Outre ce plaidoyer sur la mise en place d’un programme national de lutte contre les hépatites virales B et C en vue de la prise en charge des malades (dépistage, traitement, vaccination) qui demeure très couteuse dans le pays, l’activité a aussi été une occasion de sensibiliser les populations sur l’existence et l’ampleur de ces pathologies qui sont devenues un problème de santé publique dans le pays. Les hépatites sont des maladies graves et mortelles qui touchent deux millions de personnes dans le monde. Elles sont dues aux virus A, B, C, D et E qui s’attaquent au foie.

Mais, la matinée scientifique a été axée sur les hépatites virales B et C qui font beaucoup de victimes dans le pays. Ces virus entrainent des cirrhoses et cancers de foie qui tuent 95 % de patients atteints des hépatites. Considéré comme zone endémique de celles-ci (les hépatites), le Congo en accuse un taux de séroprévalence élevé, en particulier à Pointe-Noire, ville la plus touchée, avec un taux supérieur à 8%.

Il ressort des exposés faits par les professionnels de la santé (hépatologues, gastrologues et infectiologues) de la ville les hépatites virales B et C réputées dangereuses, sont encore mal connus des congolais. Elles ne présentent pas souvent de symptômes. Les rares qui peuvent se manifester sont, entre autres, la fatigue, la grippe et la jaunisse (ictère) « Tous les ictères ne sont pas d'origine hépatite B, mais lorsqu'ils se présentent, il est conseillé de se faire dépister », a expliqué le docteur Gildas Hoffman Ngouloubi, chef de service gastro-entérologie de l’hôpital général Adolphe Sicé. Faute d’informations, les populations se font rarement dépistées, ce qui explique la découverte souvent fortuite de ces pathologies. Au niveau de la ville, le taux de séroprévalence chez les donneurs de sang par exemple se situe entre 10 et 12 %.

Les hépatites se transmettent par voie sexuelle et par le sang à travers des instruments souillées  (lame, matériel de pédicure et manucure…) les seringues, la chirurgie. Il y a aussi la contamination de la mère à l’enfant qui s’avère être la plus importante dans le pays. C’est ce qui fait, selon le docteur Gildas Hoffman Ngouloubi, qu’on retrouve  beaucoup de cirrhose et de cancer de foie chez des personnes de moins de 30 ans dans notre pays. Par ailleurs, les conventions internationales exigent le dépistage des femmes enceintes notamment de l’hépatite B,  le traitement dès le deuxième de grossesse de la femme enceinte infectée et la vaccination de son enfant dès la naissance. Ces hépatites s'avèrent dangereuses aussi pour les personnes séropositives. En effet, le vih accélère l'évolution des hépatites et réduisent la durée de leur évolution. D’où leur dépistage systématique quand il s’agit de faire un dépistage du vih.

Des traitements toujours couteux et inaccessibles à tous

Face à l’ampleur des hépatites virales B et C, depuis 2003, les professionnels de la santé (gastro-entérologues, chirurgiens, sages femmes et paramédicaux) se sont constitués en réseau dénommé Réseau hépatite virale B et C de Pointe-Noire. Son but est de fédérer les efforts pour faire avancer les recherches scientifiques concernant ces virus. Grâce aux partenariats avec des laboratoires de France et de la ville mis en place par ce réseau, les patients infectés par ces virus ne sont plus obligés d'aller à l'étranger pour un diagnostic ou un traitement.

Il y a des médicaments (des antirétroviraux et des molécules) efficaces et disponibles sur place, mais le traitement demeure inaccessible à tous en raison de son coût trop élevé. C’est ainsi que le Réseau hépatite virale B et C de Pointe-Noire s'est en partenariat avec l'association Solhev (Solidarité hépatites virales), composée entre autres des personnes porteurs de ces virus et de leurs parents, a lancé un plaidoyer auprès des autorités compétentes. Cela, en vue de la mise en place d'un programme national de lutte contre ces pathologies (dépistage, traitement et vaccination).

Selon les informations reçues, le traitement de l'hépatite C coûte environ un million de francs par mois et pendant au moins une année. Pour l'hépatite B, il n'existe pas de traitement en tant que tel dans le pays. La prise en charge se fait actuellement avec les antirétroviraux destinés à la lutte contre le vih qui agissent aussi sur cette hépatite. En outre, son dépistage coûte actuellement 30.000 francs Cfa tandis que le bilan s’élève à 450.000 et 500.000 francs Cfa.

La vaccination demeure le meilleur moyen de prévention

Outre le traitement il existe des vaccins disponibles dans la ville pour prévenir des hépatites C et B. d’un cout de 27.000 pour l'adulte et 9.000 pour l'enfant pour trois doses, la vaccination reste le meilleur moyen pour se mettre à l’abri de ces virus. Elle concerne aussi le personnel de santé souvent exposé au sang des malades. Malheureusement, une étude menée l’année dernière révèle que 13 % seulement des agents de santé des hôpitaux publics sont vaccinés. Ce qui signifie que la majorité est exposée à ces virus. Il faut donc, pour le docteur Firmin Bossali, gastro-entérologue à l’hopital général de Loandjili, « Qu’on mobilise les énergies pour organiser des campagnes de vaccination dans tous les services.»

La prolifération des hépatites virales B et C étant due à l’ignorance de leur existence et de leur gravité par les populations, il y a lieu de les sensibiliser en vue d’un changement de comportement et de l’application des mesures préventives (vaccination, dépistage). Comme dans d’autres pays d’Afrique centrale, le Congo accuse un déficit en spécialistes hépato-gastro-entérologies (5 spécialistes seulement dans les services de gastro-entérologie des grands hôpitaux publics de Pointe-Noire). A cela s’ajoute les défaillances des plateaux techniques.

Il est donc nécessaire  d’intensifier  la politique d’incitation pour un retour au pays des spécialistes qui soignent  à l’étranger, celle de la formation continue des spécialistes, la formation et la spécialisation des médecins généralistes qui devraient, avec les autres agents de santé les premiers à recevoir les malades en consultation, être impliqués dans la chaine de prise en charge des malades porteurs des hépatites virales B et C.

Par ailleurs, le docteur Firmin Bossali a invité tout les congolais à se mobiliser et s’impliquer dans la lutte contre les hépatites virales comme le demande l’OMS (Organisation mondiale de la santé). Propos soutenus par Sidonie Kinzonzi, directrice générale de l’hôpital général Adolphe Sicé, dans son mot de clôture de la matinée scientifique. Celle-ci a invité les personnels soignants "à mettre un point d’honneur sur la sensibilisation, la prévention et le dépistage des hépatites en vue de limiter les risques de propagation". En outre, il a été conseillé aux populations de faire un don de sang pour pouvoir bénéficier d’un dépistage gratuit  du vih et de la syphilis et hépatites B et C.

Lucie Prisca Condhet N’Zinga