Des parlementaires français avaient alerté, début février, sur de graves traumatismes causés par les atrocités, dont sont victimes des soldats français de la Sangaris. La fusillade qui a couté la vie à 5 soldats rwandais le 8 août dernier, bien que qualifiée par Kigali « d’acte terroriste », a néanmoins suscité d'interrogations.
Les habitants du cinquième arrondissement de Bangui, non loin de l’aéroport international Bangui M’Poko, ont été réveillés très tôt le samedi dernier par de fortes détonations d’armes de guerre. Un soldat rwandais a tiré, à bout portant, sur ses propres compagnons d’armes. Véritable carnage : il a réussi à tuer sur le coup quatre casques bleus et blesser plusieurs autres avant d’être tué. « Les Forces de défense rwandaises (FDR) sont intervenues et ont tué le soldat assaillant, sauvant la vie de plusieurs autres casques bleus rwandais», a indiqué un communiqué de l’Etat-major rwandais.
Le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, dit avoir regretté acte qui a occasionné la perte de vies de ces vaillants soldats. Pour l’heure, « les victimes sont placées sous traitement à hôpital de Bangui, quatre d’entre elles ont été opérées avec succès, aucun des huit blessés n'est dans un état critique », a précisé le porte-parole de l’Armée rwandaise, le général Nzabamwita.
Par ailleurs, la mission onusienne a fait savoir qu’une enquête est ouverte en vue de déterminer les circonstances et le mobile de cet acte « inédit depuis la création de la Mission en avril 2014 ». Les casques bleus ont reçu mandat de désarmer les groupes armés et de protéger les civils chrétiens et musulmans exposés aux attaques sanglantes. Les images des corps éventrés et brulés faisaient le tour du monde. La communauté internationale était en ce temps profondément choquée par l’ampleur des atrocités.
Des soldats seuls face à la réalité du terrain
Les parlementaires français qui avaient supervisé l’étude sur l’état traumatique des forces françaises de la Sangaris, ont indiqué qu'environ 12% des militaires français engagés sur le sol centrafricain portent des « blessures invisibles », notamment des syndromes de stress post-traumatiques. Ce type de choc survenu pendant la Première Guerre mondiale, souligne cette étude, est considéré comme une blessure de guerre. En 2011 suite à l’engagement militaire français en Afghanistan, des mesures d’accompagnement des blessés psychiques ont été instituées à Chypre et à Dakar.
Dans le cadre de l’opération de sécurisation de la RCA lancée depuis 2013, regrettent les experts, aucune structure équivalente n’a été mise en place, « alors que les opérations dans ce pays sont particulièrement éprouvantes ». Conséquence : des militaires retournés dans leurs pays présentent des déséquilibres psychologiques se traduisant par un contact altéré avec la réalité contre 8 % pour l’opération Pamir (Afghanistan).
Il est possible de penser que les autres contingents étrangers composés en majorité des jeunes soldats, quelque fois peu expérimentés, vivent la même détresse. « … Le contexte opérationnel réunit tous les ingrédients pour que l’impact psychologique soit douloureux : l’horreur de la guerre civile, l’impuissance relative de la force, la volatilité et la dangerosité du milieu, les conditions matérielles très rudimentaires, l’ennemi mal identifié et la perte de contrôle de la violence, provoquent de graves traumatiques.», décriait le rapport des experts.
Il a été recommandé l’envoi dans chaque région militaire d’une équipe de psychologues pour permettre le suivi de ces soldats, car le nombre de victimes de « blessures invisibles » ne cesse de s’accroître.