Les chiffres de l’ONU indiquent un recul mais les arrivées vers l’Europe se poursuivent. Et aussi les morts en Méditerranée.
Les garde-côtes libyens ont annoncé lundi avoir retrouvé les corps de deux migrants qui tentaient de gagner les côtes italiennes, et secouru 108 personnes dans une embarcation de fortune qui était sous l’eau froide. Ils rapportent que dix autres passagers n’ont pas été retrouvés. Morts, vivants ? La question relève désormais de la routine des sauveteurs de part et d’autre des rives de la méditerranée, en Libye et en Italie, dont les côtes ne sont distantes que de 300 km.
L’Organisation internationale des migrations parle de 3.700 morts durant l’année, pour la plupart des migrants ayant embarqué à partir de la Libye. Ce pays compte 1.770 km de côtes peu surveillées ou quadrillées par des trafiquants qui se font de l’argent sur les « voyages » des migrants clandestins. La Libye est actuellement dans le chaos ; les trafics de tout genre y fleurissent. Sans parler du terrorisme djihadiste que tous les spécialistes sont unanimes à décrire comme ayant posé fermement pied dans ce pays d’où il recrute, exfiltre, entraîne et envoie des kamikazes en mission en Syrie ou dans les pays voisins.
Que fait-on ? L’Italie est en première ligne aussi bien des flux migratoires que des visées djihadistes potentielles sur l’Europe. L’inquiétude diffuse devant le risque d’infiltrations terroristes dans les vagues de migrants donne littéralement des ailes aux partis populistes et xénophobes européens. Le premier ministre italien, Matteo Renzi, affirme qu’il faut agir. « Je ne sous-évalue pas la question, mais je dis qu’il faut en finir avec les slogans et entamer les choses concrètes », a dit M. Renzi lors d’une conférence de presse mardi, à Rome où il recevait son homologue libanais, Tammam Salam.
« Le problème, nous devons l’attaquer à la base, c’est-à-dire l’éliminer dans les pays à risques et poser les conditions pour dépasser l’extraordinaire crise que nous vivons », a estimé M. Renzi. Son ministre de l’Intérieur, Angelino Alfano, annonce que ses services ne chôment pas. Les expulsions se multiplient : 64 immigrés radicalisés ou à risques de radicalisation ont déjà été expulsés vers leurs pays d’origine : Maroc, Pakistan, Egypte essentiellement.
Mais les opinions se demandent si on ne soigne pas les symptômes là où il faudrait s’attaquer au mal. Le million de migrants, arrivé depuis janvier en Europe, a emprunté les voies maritimes périlleuses de la Méditerranée. C’est le flux migratoire le plus important depuis la Seconde guerre mondiale, affirment l’OIM et l’Organisation des Nations unies. Alors que l’Italie s’enorgueillit d’avoir sauvé de la mort par noyade quelque 150.000 migrants, le cas libyen ne cesse de revenir comme une ritournelle : il faut ressouder le tissu politique libyen, lacéré par quatre années de violences.
Mais, en Europe, le problème « migration » reste entier. Entre les pays (rares) qui acceptent d’accueillir des migrants et ceux qui ne veulent pas en entendre parler, tout verse maintenant vers une sorte d’identité de vues pour la fermeture. Cas emblématique: la Hongrie a érigé des clôtures anti-immigrés. La Slovénie aussi. Mais ils ont suivi d’autres clôtures dont on parle moins, par exemple, en Espagne (les cas de Ceuta et Melilla). L’Allemagne, généreuse au départ, demande maintenant de fermer le robinet ou de se répartir plus équitablement le poids des demandeurs d’asile.
Ils réclament une femme de ménage ? Envoyez-leur Boldrini !
Le parti xénophobe de la Ligue du Nord est une machine à phrases-choc contre l’immigration. Son leader actuel, Matteo Salvini, ne rate aucune occasion pour dire tout le mal qu’il pense des immigrés qui doivent être renvoyés chez eux ; qu’en Italie ils vivent sur le dos des pauvres et de la société. A dix ans de distance, le discours de la Ligue ne change pas. Son fondateur, Umberto Bossi, est déjà celui qui déclarait qu’il fallait aligner des canons le long des côtes italiennes et tirer sur les embarcations des migrants.
Cette fois, la colère de Salvini a été « réveillée » par le cas d’un centre de regroupement des immigrés à Pavie, en Lombardie (nord de l’Italie, capitale Milan). Jeudi dernier des dizaines d’immigrants y ont protesté avec violence, brûlant et cassant : ils réclamaient une « femme de ménage » pour faire le nettoyage dans leur centre insalubre. Ils demandaient aussi que leur soit installé… le wifi pour pouvoir se mettre en communication avec leurs familles restées au pays (surtout en Syrie).
« Ils veulent une femme de ménage ? Ils n’ont qu’à prendre Boldrini ! », S’est insurgé Salvini en indiquant la présidente de l’Assemblée nationale italienne. Laura Boldrini est connue pour ses positions très humanistes et ses vues très en faveur de l’intégration, aux antipodes des déclarations à l’emporte-pièce de l’extrême droite dont elle est devenue une bête noire.
L. Mp.