Autour de l’alimentation, les immigrés arrivent en Italie avec leurs habitudes ou leurs tabous mais aussi leurs conceptions du manger
La scène se passe en janvier dernier, dans un petit bourg à Monteforte Irpino, en Campanie, pas trop loin de Naples (sud de l’Italie). Ce jour-là, la révolte dans un centre d’accueil pour migrants a des allures de révolution inédite. Les « pensionnaires » protestent contre la nourriture qui leur est servie : du minestrone avec légume (bien entendu) et des grains de riz « pas cuits ». Ce qu’ils font révulsent les âmes généreuses : ils déversent dans la rue la nourriture dont ils ne veulent pas. Scandale.
Le lendemain, les manchettes des journaux étaient tout simplement une course à la surenchère contre « ces ingrats d’étrangers qui, non seulement ne se satisfont pas de de l’accueil qui leur est donné, mais nous disent merci en jetant une nourriture qui aurait satisfait quelques malheureux d’Italiens ». A la radio, à la télévision, dans les journaux des humanitaires se relayent pour condamner, expliquer ou justifier cet acte. Pour les partis d’extrême-droite et les xénophobes c’était, sans jeu de mot, du pain béni.
Mais cette semaine, à Florence, la scène s’est répétée. A l’envers. Toujours des migrants en centre de transit, mais réclamant une autre quatre qualité de nourriture. Laquelle ? De la banale viande de bœuf. C’est que pour contenter ces étrangers, des bénévoles comprenant même des chefs cuisiniers, avaient pensé que la nourriture qui leur convenait devait être pauvre en gras et sucres : des plats très biologiques qui, normalement, coûteraient une fortune dans les restaurants.
Pendant des jours, les étrangers ont mangé plats végétariens et autres légumes cuits à la mode du chef ; les pommes de terres à l’étouffé et les carottes émincées : bref, tout ce qui est recommandé ces temps-ci par les diététiciens pour contrer l’explosion des cas de diabète. Mais au bout de quelques jours de ce régime, les immigrés en avaient littéralement assez : ils sont venus vers les gestionnaires pour demander humblement qu’on leur serve tout simplement de la viande de bœuf ordinaire. Ou de la conserve de thon, à défaut.
Manger riche ou manger maigre, les migrants ont choisi : il faut manger ordinaire. Pas de complications de fourchette, mais des plats de tous les jours qui ne demandent pas des diplômes de maîtres-chefs pour être cuisinés. Le plus ordinaire des plats, comme au pays : pas de sophistication de palais, mais « le plat du pauvre », comme on l’appelle en Italie. Car les pauvres ne veulent surtout pas manger riche.