Les cas de protestation, parfois violente, des migrants contre la nourriture qui leur est servie dans les centres de regroupement se multiplient.
Les mensa (réfectoires) d’Italie sont instruits au minimum de la précaution à prendre avant de servir des repas à des grands groupes de migrants et de requérants d’asile. Tout le monde sait que, même avec la plus louable des générosités, on ne peut afficher des plats incluant de la viande de porc dans les menus. Il faut alors chercher et trouver une alimentation « trans » : pas de bœuf pour les hindous ; pas de porc pour les musulmans ; mais pas de légume pour tout le monde non plus : il y en a qui n’aiment pas !
Ou quand ils aiment, ne tolèrent pas le mode de les cuisiner : pas crus pour certains, pas cuits pour d’autres. Cela crée une sacrée pagaille et un casse-tête assuré dans les cuisines des restaurations de masse ! En février, un groupe de migrants s’était rebellé contre un minestrone servi dans un centre, parce qu’il contenait des grains de riz « non-cuits ». Le mois dernier, un autre centre a vigoureusement protesté (au point de jeter de la nourriture dans la rue !) parce que le centre d’hébergement s’était mis en tête de ne leur servir que des plats diététiques raffinés : les migrants voulaient du bœuf !
Alors c’est la cacophonie assurée : entre ce qui est réclamé, rejeté et proposé, l’extrême-droite s’est taillé son morceau de beurre, en critiquant férocement ces « ingrats » qui boudent ce qui satisferait les besoins d’un clodo italien ! La polémique a redoublé à Reggio Emilia, le week-end dernier. Le motif : ne sachant trop sur quel pied danser, le centre d’hébergement local a eu la merveilleuse – et très généreuse idée – de faire appel à un cuisinier africain et à un autre pakistanais pour concocter les plats typiques qui feraient consensus. Les migrants ont applaudi, les politiques moins.
La Ligue du Nord, mouvement xénophobe et anti-immigré, s’est littéralement étranglée devant de telles faveurs. Quoi ! Préparer des plats adaptés pour des gens que personne n’a invité ? « C’est une vraie gifle pour tous les citoyens de la province qui affrontent la crise en silence. Des personnes qui prétendent avoir échappé à la guerre ne devraient pas avoir de telles exigences de délicatesses ; au contraire, elles devraient remercier le pays d’accueil ! », a fulminé Matteo Melato, commissaire provincial de la Ligue du Nord.
Le mouvement appelle les citoyens à une manifestation de protestation samedi 14 mai prochain. « Il nous faut revérifier le statut des migrants protestataires et procéder à leur expulsion immédiate », a-t-il ajouté. La tension est dans l’air. En tout cas la Ligue du Nord fait tout pour l’entretenir. On peut gager que samedi, les rues de la ville seront remplies de bruits de casseroles. Fourchette et migrations ne font décidément pas une bonne mayonnaise.