« Tous les chemins mènent à la rencontre. Et le point de départ de tous les chemins est assurément le poème », a notamment déclaré, ce samedi 22 octobre, Gabriel Okoundji dans son discours de réception du Prix de l’Institut culturel roumain Benjamin Fondane, à l’Institut national d’histoire de l’art de Paris.
« Le choix du jury s’est porté sur le poète congolais Gabriel Okoundji pour sa poésie, ses essais sur la poésie et surtout sur son activisme civique et culturel maîtrisés par la connaissance de la poésie africaine en France », a confié Magda Carneci, présidente de Pen Club Romania en France.
Ce choix ouvre la porte à une nouvelle étape internationale, une réelle fierté pour l’auteur. Car, estime l’écrivain Caya Makhélé: « quand chaque écrivain arrive au seuil d’une reconnaissance internationale, cela permet d’affirmer qu’enfin sa parole s’installe dans un paysage qui est celui de la qualité mais aussi de l’échange, de l’écoute et du partage… »
C’est en présence de l’Ambassadeur de Roumanie en France, Luca Niculescu, du conseiller à la culture André Ludovic Ngouaka Tsoumou, du représentant de l’OIF, Claudia Pietri, de l’écrivain Caya Makhélé et plusieurs invités du monde littéraire que le poète de l’ancestralité, le Mwènè, a reçu le 11ème Prix Benjamin Fondane. « Ce poète possède à la fois quelque chose d’ancestral et de moderne dans sa poésie. Pourtant, il s’exprime en français, mais ses œuvres nous mènent droit vers son Congo natal ».
Après les remerciements aux conférenciers qui ont permis de connaître l’homme, le philosophe et le poète Benjamin Fondane, le lauréat 2016 a souligné combien « votre dire de ce jour a produit des constellations qui m’ont aidé à mieux apercevoir encore l’univers de celui dont je porterai désormais, non sans fierté, le chant poétique en bannière. Toute rencontre est récit. Récit singulier de Dieu, pour ceux qui croient en Dieu ; des Ancêtres, pour ceux qui croient aux Ancêtres.»
Et de justifier dans une longue plaidoirie poétique le lien mystique qui le lie désormais avec Benjamin Fondane. « Le poète a pour lieu le maigre espace où s’éveille, dans le serment de la sève, le chant du poème : Benjamin Fondane et moi, nous venons du même pays. Si je crois vrai que Fondane, cet émigrant de la vie, est congolais par l’éclat de son chant, par les battements de son cœur, c’est que je crois vrai que je suis roumain dans l’enclos de ma quête, dans le sang de mon émotion. »
« Ô prophétie des « Forces miraculeuses » comme dirait Aimé Césaire ! Nous sommes, Fondane et moi, français : français par accident, français dans le rythme et les accents de la langue, habités, comme Ulysse, de nos tribulations et de nos métamorphoses, partout, entre terre et ciel, jusqu’aux limites surprenantes de l’invisible. »
« Ainsi Benjamin Fondane a-t-il raison, lorsqu’il s’écrie : « Tout seul je suis la route humaine ». En écho de sa voix, voici celle d’Edmond Jabès, dans ‘‘Le livre des questions’’ : « Notre marche autour du monde, dit Jabès, ne pouvait être que le long errement autour d’une parole. Parole comme un pari tenu au nom de l’homme … » (p.411) »
« Nous sommes, Fondane et moi, étrangers d’une langue qui pourtant nous est familière à chaque tournant d’une rue. »
« J’ai dans mes livres tant de fois palabré autour de la chose. Et je le redis devant vous comme au premier matin de la parole : mes livres appartiennent à l’orbe francophone, un point c’est tout. La langue "tegue" est tout naturellement ma langue parentale, celle de la mémoire originelle. Le français, ma langue d'écriture, celle de la mémoire empruntée. Entre ces deux langues, j'avoue aujourd'hui ne plus savoir reconnaître exactement la part de l'affluent et celle du confluent. Leurs engrammes, telle la sève nourricière dans la tige, coulent en moi ; elles forment harmonieusement ce que j'ai coutume d'appeler l'unité de ma langue maternelle. Celle qui permet de nommer les bruits du cœur avec les mots du cœur. Quand l'une d'elles invoque, l'autre évoque, quand l'une donne, l'autre reçoit, et vice versa, avec une évidence instinctive. Ma quête poétique réside fondamentalement dans cet équilibre-là. »