Après une cavale de cinq jours, l’homme le plus recherché d’Europe est tombé jeudi lors d’un banal contrôle à Milan. L’Italie vante l’efficacité de ses services
Il ne faisait aucun doute dans les milieux officiels en Italie vendredi que c’est le professionnalisme de leurs services de sécurité qui a permis à l’Allemagne et à l’Europe de respirer. Lors d’un banal contrôle de routine en gare de Milan jeudi soir, le Tunisien Anis Amri a été abattu. L’homme avait fui l’Allemagne après avoir foncé dans la foule d’un marché de Noël lundi soir à Berlin. Sa volonté de suicide djihadiste était manifeste, puisqu’il a dégainé en premier à la vue des carabiniers à Milan, et que l’organisation de l’Etat islamique a revendiqué cet attentat qui a fait 12 morts.
Un communiqué très explicite s’est vanté de l’acte : « L'assaillant de Berlin a mené une nouvelle attaque contre une patrouille de la police italienne à Milan et a été tué dans un échange de tirs », a indiqué le mouvement djihadiste pour qui c’est un honneur. L’attaque de lundi qui n’est pas sans rappeler celle perpétrée à Nice, en France, le 14 juillet dernier, a été menée sur le même modus operandi. Un camion poids lourd a foncé sur la foule en un jour hautement symbolique : c’était la fête nationale en France, en juillet, et la fête de Noël lundi, en Allemagne.
Cet attentat met en lumière aussi la capacité du terrorisme islamiste à se jouer des frontières et des lois dans une véritable globalisation du crime. Le semi-remorque utilisé pour l’attentat de Berlin venait d’Italie, appartenait à une société polonaise et devait livrer des marchandises en Allemagne. Le chauffeur polonais, assailli en premier, a été assassiné, sans doute par le Tunisien et/ou des complices. Les routiers, sur toutes les routes d’Europe, ont organisé une quête pour assurer à leur camarade polonais des funérailles d’honneur.
Mais l’attentat d’Allemagne met aussi en lumière les insuffisances des services chargés de réprimer le terrorisme. Anis Amri était arrivé en Italie en 2011 ; il s’y était signalé par des faits de violence y compris pour un incendie appliqué contre le camp des réfugiés de Lampedusa, et pour lequel il fut condamné à quatre ans de prison. Mais à l’expiration de sa peine, il n’a pu regagner son pays comme en avait décidé la justice. Le Tunisie a tergiversé pour reconnaître la citoyenneté d’un homme violent, aux identités multiples et par ailleurs déjà condamné dans son propre pays d’origine pour attaque armée contre une banque.
Ne pouvant être expulsé ni recevoir un permis de séjour ou de réfugié en Italie, c’est le plus normalement du monde qu’il s’est retrouvé dans les rangs des demandeurs d’asile en Allemagne. Demande rejetée par les services compétents qui ont eu l’attention attirée par sa propension à la violence, le désir de faire le djihad ou de s’offrir à toute officine voulant attaquer l’Occident des infidèles. Vendredi, les critiques de la presse se concentraient sur ces différentes failles qui auraient permis sans doute d’épargner la vie de douze innocents en Allemagne, dont une Italienne.
« Nous devons remercier les forces de l’ordre pour leur courage et leur abnégation ». Cela a permis, une nouvelle fois, d’épargner les attaques de type djihadiste à l’Italie, s’est réjoui le député de gauche Ernesto Magorno. « Les services sécuritaires italiens représentent à n’en point douter une pointe d’excellence en ces instants de fragilité et de peur dans les équilibres mondiaux », a-t-il soutenu. « Dans ce sens, la présence (au gouvernement, Ndlr) de notre ministre de l’Intérieur Marco Minniti (nommé il y a une semaine, Ndlr) est une absolue garantie de compétence », a-t-il ajouté.
Ce point de vue contraste avec les critiques qui fusent de tous les partis populistes d’Europe et qui ont en ligne de mire Mme Angela Merkel, la chancelière allemande. C’est elle, disent-ils, avec sa politique de larges portes ouvertes aux immigrés, qui a introduit le loup dans la bergerie. En Allemagne même, la popularité de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD), le parti extrémiste et xénophobe en pointe, recueille 15,5% d'intentions de vote pour les législatives de 2017, soit 2,5 points de plus que la semaine avant l’attentat de Berlin.