Terrorisme et immigration en débat au sein de la société italienne

Samedi, Avril 29, 2017 - 18:00

La découverte qu’un Congolais conduisait une cellule terroriste à cheval sur l’Italie et l’Allemagne a ravivé les polémiques sur l’immigration.

L’enquête sur Lutumba Nkanga (parfois écrit Nkaga), le Congolais d’une trentaine d’années arrêté à Brindisi, au sud de l’Italie, pour participation à une cellule islamiste qui voulait frapper en Turquie, a connu des évolutions depuis samedi dernier. Les policiers de la Digos, la police antiterroriste italienne, ont pu affiner les informations distillées à compte-goutte aux médias au point de savoir que la cible visée n’était pas l’Italie mais la Turquie à partir de l’Italie et de l’Allemagne. Ils ont pu lire tous les messages envoyés par le Congolais ou reçus par lui sur son téléphone portable.

C’est que l’homme s’est baladé pas mal entre les deux pays, affirment les policiers ; nouant contacts et amitiés avec des personnes, surtout d’origine maghrébine, déjà fichées pour fait de terrorisme ou de criminalité commune. Les policiers affirment que Lutumba « a assumé des comportements personnels typiques, annonciateurs d’un passage imminent vers l’acte, vers le martyre ». Les services secrets indiquent qu’il a cherché à contracter un mariage dans les strictes prescriptions de l’islam ; recherchant une épouse qui soit musulmane et respectueuse des préceptes islamiques.

« Il a voulu régler ses dettes personnelles » ; « s’est préoccupé de se procurer les crédits voulus (les « hasanat ») pour gagner le paradis promis par l’islam » aux martyrs. « Il a même été jusqu’à collecter des fonds pour la Masjid al Tawbah, le lieu de culte le plus proche de son habitation à Berlin », en Allemagne. Cet argent lui avait été demandé par le Tunisien Amri Soufiane, auteur de l’attentat à la voiture bélier sur un marché de Noël à Berlin, le 19 décembre dernier (12 morts, six blessés tous allemands). Le Tunisien était en retard de son loyer.

Mais le djihadiste des tropiques n’agissait pas que sur ordre ; il était le chef présumé d’une cellule de 11 personnes démantelée par la police italienne. « Faites couler un fleuve de sang. Réduisez leurs villes en cendres et en charniers », aurait-il écrit dans un document de 13 pages saisi par les enquêteurs. « C’est ce qu’Allah et son envoyé nous ont promis. Eux, attaquent vos pays avec l’excuse de s’en prendre à l’organisation de l’Etat islamique. Ils veulent répandre l’immoralité. Plans et stratégies naguère concoctés par les Romains sont encore actuels. Les Romains sont à la tête de toute catastrophe. Marchez avec la bénédiction d’Allah », exhortait-il à ses troupes.

Cette affaire est un véritable pain béni pour le parti anti-immigré et xénophobe de la Ligue du Nord. Il s’en est saisi pour de nouveau enflammer l’opinion italienne chauffée à bloc contre les étrangers. Le leader de ce mouvement d’extrême-droite, Matteo Salvini, a twitté : cette personne devait prétendument « s’intégrer et nous payer les pensions de retraite, en fait il s’entraînait pour des attentats. Merci Boldrini, Saviano et autres amis des envahisseurs ! ».

Le leader extrémiste est connu pour mener une opposition rude contre la présidente de l’Assemblée nationale, Laura Boldrini, favorable à une intégration des étrangers dans la société italienne pour enrayer notamment le processus de vieillissement de l’Italie. Une thèse également épousée par l’écrivain napolitain Roberto Saviano, spécialiste de la lutte antimafia qui, lui également, estime que se fermer aux étrangers ne contribuera surtout pas à éradiquer les mafias internes dans lesquelles les principaux acteurs sont plutôt des Italiens. Mais la Ligue du Nord n’est pas de cet avis. Pour elle, immigré=terroriste potentiel.

Le hashtag lancé par son leader sur la toile proclame sans ambiguïtés : « Renvoyez-les tous, avec les bonnes ou les mauvaises manières ! ». Il fait un tabac chez les followers, ces propos tombant sur un terrain favorable. Jusqu’à présent les soupçons de radicalité islamiste concernaient surtout des Maghrébins, Marocains ou Tunisiens, mais jamais des ressortissants d’Afrique centrale en Italie. L’implication supposée de Lutumba Nkanga est donc une première qui fait craindre une expansion du mal et conséquemment une dangereuse généralisation de la suspicion.

Le Nigérian sort du coma et « gagne » ses papiers

Le 22 mars dernier un Nigérian avait été sauvagement battu devant un supermarché de la station balnéaire de Rimini. L’Italien qui s’en était pris à lui avait été pris d’une rage folle à sa vue ; des Nigérians ont développé ces derniers temps l’habitude de faire la quête devant les supermarchés de toute l’Italie. Non seulement l’agression s’était faite à coups de poings et de lourdes chaussures, mais elle avait été « complétée » aussi par des coups de poignard ayant provoqué une hémorragie interne.

Quand l’ambulance a emmené la victime à l’hôpital « Sol et Salus » de Rimini, le Nigérian était pratiquement en fin de vie. Soins intensifs, réanimations pendant près d’un mois durant lequel le jeune homme de 25 ans est resté en diagnostic vital engagé. Puis il y a une semaine, il est sorti du coma et son organisme a recommencé à fonctionner normalement. Son agresseur, un Romain de 39 ans vivant à Rimini, a été conduit en prison et inculpé de violences racistes.

La procureure de Rimini a décidé vendredi dernier d’octroyer au Nigérian un permis de séjour humanitaire d’une validité d’un an. Ce document en règle lui permettra de régulariser sa situation, de chercher du travail éventuellement et de vivre dans la légalité. Sans mendier probablement. Sur les médias, beaucoup d’Italiens se disent toutefois agacés de trouver trop de mendiants africains devant des banques, des bars de grande fréquentation ou des supermarchés.

Lucien Mpama
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