L’Italie est écartelée entre l’humanisme et le pragmatisme face aux flux de migrants alors que les populismes gagnent du terrain.
Faut-il expulser en masse ou intégrer en masse ? A vrai dire la question ne se pose plus beaucoup aujourd’hui même pour un pays de grand accueil et terre de migrations comme l’Italie. Depuis le mois de janvier plus de 100.000 migrants ont gagné ses côtes par la Méditerranée. Que faire de ces futurs ou déjà clandestins ? Expulser en masse, répondent les opinions qui fournissent ainsi du carburant aux caravelles des populistes pour qui l’Europe ne devrait être que barricades désormais. Ce discours extrémisme commence à s’infiltrer ; il gagne l’homme de la rue.
Cela se voit à chaque élection. Le Mouvement 5 Etoiles (M5S) du comique Beppe Grillo fait aujourd’hui jeu égal avec le Parti Démocratique (PD, gauche), qui a dominé le jeu politique dans la péninsule au cours de la dernière décennie. Or le M5S épouse en gros les thèses extrémistes sur la question des migrations, estimant que c’est le laxisme du PD qui a rendu poreuses les frontières italiennes et exercé un appel d’air. C’est ainsi que les choses ont toujours été présentées au parti ouvertement xénophobe et anti-européen de la Ligue du Nord.
Son leader, Matteo Salvini, est désormais l’homme du moment pour la politique italienne. Allié au parti de Silvio Berlusconi, Forza Italia qui se définit comme positionné au centre, le parti de Matteo Salvini et celui de Silvio Berlusconi ont raflé la majorité des plus de 1000 mairies où l’on renouvelait l’exécutif il y a deux semaines. Alliance politique qui suppose une unité de pensée (« sauf sur l’Europe et la monnaie unique », tient à préciser Forza Italia), ces deux formations promettent de remporter haut-la-main les législatives de 2018 en Italie.
Sauf si le M5S, qui s’y connaît aussi en fanfaronnades et en retournement de veste, leur dame le pion avec les 40% des suffrages que promettent ses dirigeants. Jusqu’ici seul un autre Matteo, Renzi, a pu atteindre ce score dans une élection nationale. Mais le PD dont il a pris le secrétariat général a du plomb dans l’aile, traversé par des courants qui le paralysent. Son érosion électorale le rend d’ailleurs tout à fait inaudible sur ce thème chaud de l’immigration. Traditionnel partisan d’une intégration des migrants, il se fait plus tiède aujourd’hui et donne l’impression que la peur de perdre des votes l’a inhibé. Il y a deux semaines, sa position sur l’attribution – « automatique » - de la nationalité aux fils de migrants nés en Italie, n’a pas su s’imposer.
Mais cet écartèlement n’est pas l’apanage de la seule Italie. C’est toute l’Europe désormais qui semble mettre en sourdine les discours généreux et humanistes des socialistes d’hier, pour se draper dans la primauté de se protéger des terroristes djihadistes et favoriser les politiques anti-immigrées les plus sévères. Gauche et droite sont désormais convaincues que les urnes sont à qui criera le plus fort sa haine des étrangers. « L’Europe se développera-t-elle en important tous les pauvres d’Afrique ? », demandait récemment Matteo Salvini. Le silence de tous à la question peut se traduire par : « Tu poses la bonne question, mais nous ne pouvons pas le dire !»