Les onomatopées et les dictons véhiculent des manières d’entendre et de dire la culture des autres assez surprenantes.
Demandez à un Français et à un Italien de vous imiter le chant du coq et vous aurez la preuve que nos oreilles n’entendent décidément pas la même chose ! Car là où le premier dira « cocorico », le deuxième dira « kikiriki ». Et ne demandez pas au Congolais de les départager puisqu’il y a des ethnies qui jureront leurs grands dieux qu’à l’aube le coq lance un « kokodiaco » ! Les mêmes peuples alpins divergent aussi sur comment ils perçoivent un aboiement : un « wa-wa » à Paris ou un « bau-bau » à Rome.
C’est la preuve que l’on ne peut juger la culture des autres au travers de sa propre culture. Que le Bantou peut « boire » du tabac en toute logique puisque la fumée ne s’inhale pas chez lui ; elle se boit ! Et que l’usage de sa langue lui fera dire sans aucune remise en cause possible qu’on peut effectivement « reculer en arrière » et « sortir dehors ». Pléonasme ? Vous voulez rire : c’est quoi, ça ?
On a tous ri avec feu Jean-Michel Kankan, le comique camerounais qui savait jurer sur le cadavre des morts : « on monte, on descend, un cadavre doit mourir », promettait-il pour signifier sa grande (et fausse) détermination à en découdre. Vaine promesse comme lorsqu’on dit : « je jure Dieu que je lui ferai voir de quel bois je me chauffe ». On n’a jamais vu quelqu’un perdant son temps à montrer des bûchers en bataille, en prenant le Tout-puissant à témoin. Tenir parole, c’est la vertu des grands : « est-ce qu’un grand est un petit ? », demande-t-on à Yaoundé.
On connait le mot de Blaise Pascal sur la relativité des choses : « vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà ». Nous n’entendons pas tous la même chose ; nous ne l’entendons pas de la même manière. Les mots n’ont pas la même charge « psychologique » suivant les cultures. Ainsi, on ne s’offensera pas à Paris d’entendre quelqu’un réclamer au café « un petit noir ». Ou de vouloir l’accompagner d’un « congolais ». Le petit « c », c’est pour signaler qu’il ne s’agit pas de nous, les Congolais, mais d’une marque de pâtisserie tout comme le petit noir est un café bien serré.
En italien, on parle de « faire le portugais » lorsqu’on emprunte les transports publics sans vouloir payer son ticket. Le portugais ici, pris pour « tête de turc », n’est pas le digne citoyen du Portugal bien entendu. A moins qu’une histoire particulière ait fixé dans les mémoires ce qui pourrait devenir à la longue un indécrottable préjugé ! Toujours en italien, une mauvaise pratique de la démocratie serait, je n’ai jamais compris pourquoi, l’apanage des balubas – « on n’est pas chez les balubas ! ». En France hier on disait : « nous ne sommes pas chez les Cosaques » !