Le Parlement panafricain en pleine crise existentielle

Mardi, Octobre 17, 2017 - 14:45

Sa devise : « Une Afrique, une voix ». Mais depuis sa mise en place en 2004, le Parlement panafricain a bien du mal à se faire entendre, du fait que dans l'hémicycle des députés exaspérés interpellent un à un le président : « mais à quoi servons-nous ? »

« A chaque fois qu'on est ici, on s'agite sur la même préoccupation. Si on ne peut pas légiférer, ce n'est pas la peine d'être là ! », s'emporte Corneille Padonou du Bénin, devant ses collègues. « Il n'y a rien qui mérite d'être salué à propos du Parlement dans sa forme actuelle », assène Floyd Shivambu, un député représentant l'Afrique du Sud. Et d’ajouter : « Par définition, un Parlement est supposé être un organe législatif. Mais ce forum n'est pas un Parlement, c'est simplement une plateforme de discussion qui n'a pas de pouvoir législatif », avant d’affirmer : « C'est de l'argent et du temps perdus ».

Le Parlement panafricain (PAP) siège à Midrand, en Afrique du Sud et compte 229 députés représentant 51 pays, nommés parmi leurs élus. Avec un budget annuel de 22 millions de dollars, le PAP se réunit deux fois par an pour des sessions qui mobilisent 60 interprètes. Les députés y siègent aux frais de leurs pays respectifs, qui prennent en charge leurs billets d'avion, logement et nourriture. Sur le papier, cette Assemblée est le bras législatif de l'Union africaine (UA). En réalité, elle n'est dotée que de pouvoirs consultatifs. « Son rôle se limite essentiellement à adopter des recommandations », se lamente son secrétaire général adjoint, le Tchadien Gali Massa Harou.

Un document, le protocole de Malabo de 2014, aurait dû changer la donne. Il confère au PAP des pouvoirs législatifs, mais est resté à ce jour lettre morte. Cinq pays seulement l'ont ratifié, sur les 28 nécessaires. Ouverte le 9 octobre, la session qui s'achève vendredi prochain, a une nouvelle fois servi d'exutoire à frustrations des parlementaires. « Vraiment, on ne comprend rien. Ici, tout le monde est d'accord pour qu'il soit ratifié », s'impatiente l'Algérien Mohamed Tayeb Laskri. « A cette allure, il va nous falloir vingt ans pour ratifier le protocole », prévient son collègue tanzanien, David Silinde. Le PAP fait office de « salon, de groupe d'amitié », résume, le député égyptien, Moustafa El Gindy.

Comment expliquer cette réticence ?

Les pays se montrent réticents à l’idée de doter le Parlement de réels pouvoirs, pour la simple raison qu’ils « ont peur de perdre leur souveraineté et craignent l'ingérence des pouvoirs internationaux », avance Moustafa El Gindy, en rappelant que l'UA est financée aux trois-quarts par des partenaires internationaux, dont l'Union européenne (UE).

Les Etats membres de l'UA n'ont pas à s'inquiéter, tente toutefois de rassurer le président du Parlement, le Camerounais Roger Nkodo Dang. « Il y a pas mal de domaines dans lesquels le PAP peut légiférer » comme le changement climatique et le terrorisme, « sans toutefois s'attaquer aux domaines réservés des Etats », souligne-t-il.

Faute de pouvoir de décisions, le Parlement fait donc office d'arbre à palabres. Une élue appelle de ses vœux la fin des migrations économiques, un autre salue la levée des sanctions américaines contre le Soudan, le président dénonce la Cour pénale internationale (CPI). Dans ce contexte, le Parlement souffre logiquement d'un problème de visibilité et de reconnaissance. Et pas seulement auprès de la population africaine. Des pays membres n'acceptent toujours pas les passeports panafricains des députés, s'insurgent des parlementaires. Roger Nkodo Dang dénonce même le manque de considération de la « maison mère », l'Union africaine. Seul un président de la commission de l'UA, Jean Ping, « a pris la peine de venir s'exprimer dans le Parlement », regrette-t-il.

Josiane Mambou Loukoula et AFP
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