Depuis la nuit des temps, ailleurs comme au Congo, les rites traditionnels ont profondément marqué les esprits, car les êtres humains en ont eu recours. Au fil du temps, certaines pratiques ancestrales commencent à disparaître au profit de la modernité. C’est le cas du tchicoumbi ou Kicoumbi, pratiqué chez les peuples vilis, dans les départements du Kouilou et de Pointe-Noire.
Pour raviver les souvenirs de certaines personnes restées fortement ancrées dans la tradition, et faire connaître publiquement un certain nombre de rites que beaucoup ignorent, les sages du Kouilou et de Pointe-Noire ont animé une conférence sur les bienfaits du tchicoumbi, la veille de la célébration, dans la capitale économique, de la Journée internationale de la femme.
Choisi comme orateur du jour, le président du conseil départemental des sages, Jean-Baptiste N’Goma Mavoungou, a développé, sans la moindre pudeur, les différents sous-thèmes suivants : l’adhésion involontaire au tchicoumbi ou Kikoumbi, les attributs du tchicoumbi, l’éducation sentimentale et la raison d’être de ce rite.
Selon l’orateur, quand s’ouvre le rite kikumbi, il va sans dire qu’un mariage se prépare en secret. Un conjoint a pu être repéré ou alors la jeune fille a fait l’objet d’une démarche matrimoniale. Le rituel Kikumbi ne s’annonce jamais à la future candidate, sauf à ceux qui ont décidé de lui faire subir l’épreuve, en complicité avec ses parents. Elle n’est pas au courant. Une matrone, c'est-à-dire, une femme qui n’a jamais enregistré de fausse couche l’attrape avec la rapidité de l’éclair, aux allures d’un rapt, d’un guet-apens ou simplement d’un kidnapping. Il s’agit d’un rapport de force.
Une fois la novice séquestrée, le groupe de femmes (les matrones) prend la jeune fille en charge dans une case isolée. Elle est alors âgée de 16 à 19 ans. Le rôle des matrones est assuré soit par un prêtre, une prêtresse, soit par ses propres parents, parmi lesquels ses tantes maternelles ou paternelles et ses sœurs.
Pendant la période d’incarcération collective de la jeune fille, des prêtresses et des majorettes, la jeune fille y subit une éducation sentimentale que se chargent de lui transmettre celles qui l’initient à sa future vie conjugale. Parfois, ces prêtresses se transforment en professeurs en sexologie et en initiation érotique en lui faisant prendre conscience des zones érogènes de son propre corps.
Les majorettes veillent à ce qu’elle respecte les interdits. La nuit, elles lui racontent des anecdotes. Tous les matins, elles ont l’obligation de lui appliquer la mixture rouge sur tout le corps. Ainsi, le corps de la fille est enduit d'un talc rougeâtre appelé « toukoula » obtenu grâce à la macération de l'écorce du kaolin.
Education sentimentale
La réclusion dure un à deux mois, une éternité pour la candidate mais une durée temporelle indispensable à l’efficacité du rituel. Le système n’est pas strictement carcéral. Certains soirs, au crépuscule, on opère une sortie pour aller faire danser la fille.
Par théorie, la virginité est de règle dans le système kikumbi. Il est de bon temps que la fille entre vierge au mariage (dans tous les sens du terme). Si la jeune fille a déjà perdu sa virginité, ses chances d’accéder au mariage seront à la discrétion de son futur conjoint, et de sa future belle famille. Généralement il y a une fin de non-recevoir.
Dans ce monastère traditionnel, la fille reçoit une éducation pré-matrimoniale. Kikumbi est confié à des femmes (des matrones) dont la mission consiste à préparer la future mariée en lui signifiant qu'elle n'est plus une fille comme les autres même si les autres filles sont comme elles (en apparence). C’est une leçon de chose où l’on apprend à la jeune fille les fonctions naturelles de son corps. Il s’agit donc d’une école, d’un cours de sexualité, d’un discours sur le corps de la femme en vue de la préparer à recevoir le corps de son futur conjoint.
Cette période de réclusion donne tout son caractère sacré à ce rite doublé d'un aspect théâtral. Le caractère théâtral est renforcé par les chants et des chorégraphies esquissés par tous les pensionnaires du kikumbi.
Durant tout le temps qu’elle restera enfermée, la jeune fille ne se lave pas, à l’exception des bains intimes et de bouche. Après l’ablution sabbatique qui marque la fin de tchicoumbi, la jeune fille est prête pour le mariage.
Dans sa nouvelle vie de tchicoumbi, Jean Baptiste Ngoma Mavoungou a expliqué que la fille porte désormais une couronne, un collier en perle autour du cou, une jupe, un morceau de tissu, juste pour protéger sa poitrine, des perles autours des reins, des anneaux en cuivre autour des deux bras et au niveau des chevilles. La fille change automatiquement d’attitude, elle ne sourit plus comme avant, et ne tend plus la main aux visiteurs.
Le but de ce genre de rite étant de préparer la fille au mariage, celle-ci est visitée nuitamment par l’amant. Pendant quelques minutes, ce dernier lui cajole juste les seins, puis repart à l’insu des majorettes. Après le bain sabbatique marquant la fin du kikoumbi, la jeune fille est prête pour le mariage.