Dans un contexte de modernisation où la culture européenne prend le pas sur les valeurs traditionnelles, certaines personnes ancrées dans la coutume pensent qu’il est temps de revaloriser les rites traditionnels tels que le tchicoumbi, pour la bonne éducation des filles. Dans une interview exclusive avec Les Dépêches de Brazzaville, la vénérable sénatrice Philomène Fouti Soungou dégage l’importance de ce rite.
Les Dépêches de Brazzaville (L.D.B.) : En tant qu’originaire du Kouilou, êtes-vous passée par le tchicoumbi ?
Philomène Fouti Soungou (P.F.N.) : Mes parents avaient décidé de me faire passer par le rite de tchicoumbi à l’âge de 15 ans. Normalement, on mettait la fille dans le tchicoumbi lorsqu’elle avait un fiancé. Souvent, on avait remarqué que, pour des raisons scolaires, les jeunes filles se mariaient un peu tard, et pour protéger leurs progénitures, les parents de la jeune fille étaient obligés de la faire passer par ce rituel.
Dans notre département, si la dot n’a pas encore été versée, la jeune fille ne peut prétendre avoir de rapports sexuels avant le mariage, au risque de tomber enceinte et de déshonorer la famille. Pour mon cas, puisque j’étais scolarisée, ma mère a décidé de me faire passer dans le tchicombi pour, en quelque sorte, me protéger d’éventuels cas de grossesse.
Ainsi, par le tchicoumbi, je suis passée d’une situation de jeune fille à celle d’une grande fille capable ou « autorisée » à avoir un ami ou un mari. On m’a fait passer par ce rituel pour qu’après, au cas où j’aurais une mésaventure de grossesse, que je ne sois pas bannie ou rejetée par les membres de ma famille. C’est une façon de protéger ma vie et celle de mon bébé, afin que ce dernier soit accepté dans la société.
L.D.B .: Quels sont les bienfaits de ce rite ?
P.F.S. : Le tchicoumbi est une bonne chose puisque nos mamans sont passées par là. C’est un rituel qui ouvre une vie active à la jeune fille. Une fois passée par ce rituel, elle peut prétendre se marier et jouer le rôle d’une femme capable de se prendre en charge ou de gérer un foyer. Passer par le tchicoumbi est une façon de montrer la maturité de la jeune fille. C’est une tradition laissée par nos ancêtres qui devait être perpétrée, car il n’y a rien de méchanceté. Ce rituel faisait grandir la fille. C’était une forme d’éducation sexuelle.
L.D.B. : Ce rite est-t-il toujours pratiqué de nos jours ?
P.F.S. : Actuellement, il est pratiqué de moins en moins à Pointe-Noire, et même ici à Brazzaville. En un mot, dans les villes, il n’a plus d’importance. Mais dans nos villages, certaines familles font passer leur fille par ce rituel. Le temps a été réduit pour des raisons parfois financières, parce que la famille a l’obligation de nourrir la fille internée et ses majorettes. On peut aussi parler de l’influence du christianisme qui critique ce genre de pratique. Beaucoup de croyants ont tourné le dos à la tradition.
L.D.B. : Etes-vous pour ou contre ce rituel ?
P.F.S .: Dans nos traditions, le tchicoumbi n’a rien de sorcellerie ou de méchanceté. C’est un passage de la vie de jeune fille nubile à celle de jeune femme mariée, capable de vivre chez un homme. Je suis prête à relancer ce rite et accompagner des familles qui veulent bien mettre leur fille dans le tchicoumbi avant le mariage.
L.D.B .: Qu’avez-vous fait pour sa revalorisation ?
P.F.S .: Je n’ai pas encore mené un quelconque combat jusqu’à cette date, mais je suis prête à relancer ce rituel pour permettre aux femmes qui le veulent, de faire subir à leur fille le tchicoumbi. Ce sera une bonne chose. Je rencontrerai le groupe qui a fait passer récemment ma nièce dans le tchicoumbi afin d’organiser des séances en public.