Devises : Le risque de change reste toujours d’actualité en Afrique malgré l’accalmie, selon un rapport de la Coface

Mardi, Avril 24, 2018 - 14:45

Sous le choc de la baisse des cours des matières premières, la plupart des devises africaines ont perdu plus de 20 % de leur valeur entre 2013 et 2016, avec des conséquences directes sur les entreprises qui devaient faire face à une accélération de la hausse des prix des produits importés, une augmentation de la dette libellée en devise et des coûts plus élevés pour les transactions internationales, selon le dernier rapport de la Coface.

Le rapport s’appuie sur la dépréciation de plus de 30% du kwanza angolais depuis la libéralisation partielle du régime de change en janvier 2018, le choc de la baisse des cours des matières premières, et plus particulièrement du pétrole à partir de l’été 2014. Ce qui a déstabilisé de nombreux pays d’Afrique. Dans le sillage de ses principales économies (Nigéria, Afrique du Sud, Angola), la croissance de la région, à son plus bas depuis 20 ans en 2016, a marqué le pas.

Outre les mouvements des devises, les pressions sur les changes ont aussi eu pour conséquence des crises de liquidités, la mise en place de contrôles de capitaux ou de licences d’importations qui ont perturbé les opérations des entreprises. Et 2017 a vu le mouvement de dépréciation s’atténuer, en particulier en Afrique australe (Afrique du Sud, Zambie, Mozambique) où une relative stabilisation du cours des devises a été possible grâce au régime de change flottant et à l’amélioration des balances commerciales.

L’évolution de l’indice de pression des changes EMPI montre qu’entre 2016 et 2017 les tensions ont également diminué dans les pays disposant d’un régime de change moins flexible, par exemple, dans l’Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine (Uémoa). Toutefois, les déséquilibres hérités de la période 2014 - 2016 entretiennent la pression sur certaines devises. La diminution des réserves continue en Angola, où l’écart entre le taux officiel et le taux parallèle du kwanza demeure, et dans la Communauté Economique et Monétaire d’Afrique Centrale (Cémac) où, malgré une relative stabilisation, une dévaluation du franc CFA ne peut encore être définitivement écartée. Les tensions subsistent dans les pays victimes de l’épidémie de maladie à virus Ebola de 2014 : la Guinée, le Libéria et la Sierra Leone. En Ethiopie, le déficit courant persistant met sous pression les réserves et la devise qui reste surévaluée d’environ 7%.

Très sollicitées pour soutenir les devises depuis 2014, les réserves de change ont fondu. Alors qu’en 2014 le niveau médian de couverture des importations dans les pays d’Afrique était de 3,9 mois, il se situe à 3,2 mois en 2017. Sept pays supplémentaires ont vu leurs réserves tomber sous 3 mois de couverture : la Zambie, le Mozambique, la Guinée ainsi que les membres de la Cémac. Les pays disposant de réserves plus importantes ne sont pas non plus à l’abri : compte tenu de leur dépendance aux matières premières non transformées, le déclin des réserves peut être extrêmement rapide, exposant le marché des changes à de très fortes variations.

Il s’agit, par exemple, des pays exportateurs de matières premières agricoles dans un contexte de prix relativement faibles pour certaines cultures commerciales comme le cacao (Côte d’Ivoire, Ghana, Nigéria, Cameroun) ou le café (Ethiopie, Ouganda, Tanzanie), et compte tenu d’une exposition particulièrement forte de l’Afrique au changement climatique. En Afrique du Nord, la situation diverge : si l’Algérie et la Tunisie restent sous pression, on observe une amélioration en Libye, soutenue par un rétablissement de la production de pétrole en 2017, et en Egypte, dont l’EMPI (qui culminait à près de 91 % fin 2016) est revenu en territoire négatif en 2017 suite à la stabilisation de la livre et une hausse de 80% des réserves.

Dans certains cas (Nigéria, Angola, RD Congo), des pénuries de liquidités ont rendu plus difficiles les rapatriements de profits ainsi que les transactions au sein même des frontières. Les contrôles de capitaux (Égypte) et/ou d’importations (Algérie) mis en œuvre pour juguler les pressions sur le marché de change ont également eu des conséquences directes sur les opérations des entreprises. En 2017, ce mouvement de dépréciation s’est atténué grâce à la hausse des prix des matières premières, mais, comme l’indique l’indice de tension sur le marché des changes déployé dans cette étude, les pressions baissières demeurent importantes dans certains pays (RD Congo, Éthiopie, Angola, Libéria, Guinée).

A ces vulnérabilités s’ajoutent le risque politique et l’accélération du cycle de resserrement monétaire aux Etats-Unis qui pourraient, de nouveau, intensifier les sorties de capitaux de la région et donc la pression sur les taux de change.

 

 

Noël Ndong
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