Pour cette association de défense des droits de l’homme, le contexte politique volatile de la RDC, avec des manifestations publiques à répétition, était un facteur prépondérant à la violation des droits humains qui exige à Miru Systems de prévenir les incidences négatives liées à la vente desdites machines à voter et en raison de sa relation d’affaires avec la Céni, même si elle ne contribue pas à ces incidences.
Les chercheurs du Projet d’application des droits civils et politiques (PAD-CIPO) de l’Institut de recherche en droits humains (IRDH) ont appelé la société multinationale originaire de la Corée du Sud et pourvoyeuse des machines à voter destinée à la Commission électorale nationale indépendante (Céni) de la RDC, Miru Systems Co. Ltd, au devoir de diligence. Cela, pour lui éviter sa responsabilité, en cas de violations des droits humains.
Dans une lettre ouverte adressée au Directeur général de cette société multinationale, ces scientifiques ont, en effet, noté les inquiétudes des organisations de la Société civile (OSC), des candidats aux élections présidentielles ainsi que des regroupements politiques face au recours non consensuel à la machine à voter que cette dernière a fourni à la Céni de la RDC. La dernière contestation du mouvement citoyen Lutte pour le changement (Lucha), du 03 septembre, a fait remarquer l’IRDH, rencontre la préoccupation d’une grande frange de la population relevée, le 22 août 2018, par la Monusco.
Cet institut a, en effet, rappelé que le vote du Président de la République et des autres représentants du peuple à tous les niveaux, était un droit fondamental garanti au citoyen par la Constitution et les instruments juridiques internationaux des droits humains.
A ce sujet, a-t-il fait remarquer, le Gouvernement de la RDC avait interpelé la communauté internationale, lui disant que cette activité est hautement politique et que, par conséquent, elle relevait de la souveraineté de l’Etat. L’IRDH note, par ailleurs, que bien que les parties prenantes se mobilisent pour ce scrutin, elles se déchirent sur l’arrivée incidentielle de la technologie proposée par cette entreprise commerciale. « Pour les uns, la machine à voter faciliterait l’efficience de l’opération de vote, et pour les autres, cette logistique permettrait la fraude électorale. En fin des comptes, la machine à voter divise et risque d’être à la base d’une crise politique plus grave. Ses détracteurs l’ont déjà baptisée machine à voler, à frauder ou à tricher », a souligné cet institut.
La réaction de la Céni
L’IRDH regrette que la Céni, qui a le mandat constitutionnel d’arbitrer la compétition politique, minimise l’opinion de ceux qui s’élèvent contre la machine à voter. Le Président de cette institution d’appui à la démocratie, note l’institut, menace de ne pas organiser les élections, si l’on tenait à écarter ladite machine. Pour l’IRDH, cette façon de voir les choses de la Centrale électorale serait contraire à l’obligation de sa mission d’organiser, en toute indépendance, neutralité et impartialité des scrutins libres, démocratiques et transparents. « En jugeant à priori que ceux qui s’opposent à la machine à voter constituent une minorité, il laisse croire que ce groupe ne pourra pas gagner le vote au suffrage universel qui exige une majorité simple », a souligné l’IRDH.
Face à la focalisation du débat politique de la RDC sur la machine à voter, l’IRDH conseille la prudence à la société Miru Systems Co. Ltd, pourvoyeuse de cette machine. « La prudence s’impose à votre entreprise. C’est la raison pour laquelle les chercheurs de l’IRDH en appellent à votre devoir de diligence raisonnable, afin d’éviter votre responsabilité, en cas de violations des droits humains », a averti cette Asbl.
Pour l’IRDH, en effet, la diligence raisonnable était un devoir élémentaire de précaution. Il est, a-t-il expliqué, l’ensemble de vérifications qu'une société réalise avant une transaction. Dans le cas d’espèce, la diligence requise de Miru Systems serait la publication de son plan devant indiquer les mesures préventives de réalisation de risques d'atteintes aux droits humains liées aux protestations contre la machine à voter qu’elle fournit à la Centrale électorale de la RDC. L’IRDH rappelle, ensuite, que « le deuxième chapitre des Principes directeurs de l’OCDE dont la Corée du Sud est membre, exigent à Miru Systems de tenir compte des politiques en matière des libertés d’expression et d’opinion dissidente établies en RDC et prendre en considération les points de vue des autres acteurs ».
Dans cette lettre ouverte, l’IRDH attend donc de la société Miru, de publier les précautions qu’impose le devoir de diligence et le plan de leur mise en œuvre ; d’informer le public congolais et coréen (point de contact pour l’OCDE) des mesures d’encadrement de la vente des machines à voter à la Céni, afin de prévenir que les violations des droits humains éventuelles ne lui soient imputables ; et de publier le résultat des consultations avec les autres parties prenantes intéressées à la machine à voter, tel que l’exige le Chapitre II des principes directeurs de l’OCDE.