Sape à Brazzaville : Akuisse serait-il le grand absent ?

Mercredi, Novembre 21, 2018 - 18:00

Akuisse, de son vrai nom Zinga Sébastien, est l’un des grands sapeurs ayant marqué l’histoire de la sape au Congo et à l’étranger. Arrivé dans la sape en 1976 à la suite  d'une folle admiration pour les habits, il intégrera ce monde en suivant les célébrités comme Nkodia Francos, Ntadi Calafar, Gondet Maleba et Didier Samba. Seulement, celui-ci a disparu des radars.

Amoureux du vestimentaire, Akuisse a commencé à faire parler de lui dans la sape à l’époque où les booms occupaient une place de choix dans la vie des jeunes. Ces retrouvailles ont permis à beaucoup de sapeurs de se confirmer et d’imposer leurs noms faisant d’eux des célébrités. «Je me suis confirmé lors des booms. Il y avait au Plateau des 15 ans, dans le quatrième arrondissement de Brazzaville, des sapeurs qui étaient des fonctionnaires. On échangeait des habits. Bacongo était le fief de la sape», s’est souvenu Akuisse.

À l’époque, le cinéma Rio était un grand carrefour où les sapeurs venaient exhiber leurs vêtements. Le quartier était appelé Saint-Tropez ; il accueillait et rassemblait des grands noms de la sape des quartiers de Brazzaville. Il y avait un orchestre appelé Visa Makaraye assurant ainsi l’ambiance lors des rencontres : booms et révélations. «En 1977, nos aînés rentraient de Paris et nous racontaient l’histoire de la sape. Ce mouvement est né autour de la fête du 14 juillet, la fête nationale française. Les Congolais qui prenaient part à cette cérémonie étaient toujours bien habillés. Il y avait une sorte de défi», a-t-il déclaré.

La sape a connu une montée fulgurante. Les jeunes qui n’avaient pas d’habits, voulant être vus et appréciés, courraient dans tous les sens pour rattraper un aîné ou un frère qui pouvait leur prêter des habits. On appelait cela «la mine».

Tous ces moments ont propulsé Akuisse. Il va se distinguer des autres sapeurs de sa génération par sa manière de marier les couleurs, de savoir se tenir et de savoir choisir de beaux costumes. Car on ne triche pas avec l’art. Brazzaville étant la capitale de la sape, il était intolérable de s’habiller en ayant seulement à l’esprit la superficie de la ville capitale. La sape est devenue un concept mondial, quand on s’habille c’est pour le monde entier et non pour soi-même.

Présentant alors ces atouts, Akuisse sera invité en août 1995 à participer à un concours de la sape sur la place de Paris, la capitale française. Ce concours était organisé par plusieurs entreprises au Congo. Il sera le lauréat devant trois parisiens et un jeune de Makélékélé.

Aujourd’hui, la sape est devenue un mouvement où les injures, la polémique et des propos indigestes alimentent les rencontres. Une évolution dans laquelle certains ne se reconnaissent pas.  Autrefois, c’est l’habit qui parlait en lieu et place de la personne élégamment habillée.

En outre, les couleurs des habits étaient respectées. Les couleurs acceptables pour les chaussures, par exemple, étaient le noir et le marron. Celles qui étaient tolérables le marron et le pain grillé ; une sorte de couleur de chaussures qui ressemblait à celle du pain. Par contre, le gris ne se porte pas avec le marron. On porte aujourd’hui des chaussures vertes, bleue et des costumes quatre boutons. C'est impensable. «C’est du jamais vu. On a toujours porté la veste à trois boutons. À quatre boutons, c’est fait pour nos frères ouest-africains qui sont grands de taille», a expliqué Akuisse.

Au cours d’une invitation du ministre Alain Akouala organisant un concours de la sape au Mémorial Pierre Savorgnan de Brazza, faisant partie des membres du jury, il avait sanctionné tous les concurrents. À la surprise de tous, il répondra qu’ «ils étaient tous bien propres mais ils n’étaient pas bien habillés». On se souviendra des passages d'Akuisse au centre-ville, c’était la panique. Les administrations se bousculaient pour savoir qui est ce monsieur qui est en train de passer. Cette attraction est le résultat de la bonne formation reçue de  Malanda Dioris.

Akuisse se dit par ailleurs être le seul de sa génération resté à Brazzaville. Quand il va chez Déguy, actuel carrefour des sapeurs sur l’avenue Matsoua, à Bacongo, il ne voit personne qui s’habille comme lui. Ils sont tous propres. Ceux qui étaient avec lui au début de ce mouvement des sapeurs sont à l’étranger, principalement en France. Notons que Zinga Sébastien est malade depuis 4 ans. Il souffre d’un mal de pied qui ne lui permet plus de mettre une paire de chaussures. Sinon, il frapperait toujours.  

A Ferdinand Milou
Légendes et crédits photo : 
Akuisse
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