Focus : Le « Mbala mpinda », un met typiquement congolais

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Jeudi, Février 5, 2015 - 15:30

 S’il ya des aliments que l’on consomme beaucoup dans la partie sud-ouest du Congo, notamment dans les départements de la Bouenza et du Niari, le « mbala mpinda » figure certainement au premier rang.

 Le "mbala mpinda" n'est autre que ce manioc mélangé à la patte d’arachide qui, au départ, était une exclusivité des départements de la Bouenza et du Niari. Il est vendu par les femmes dans les différentes gares du Chemin de fer Congo Océan (CFCO), surtout à partir de Loudima et ce, jusqu’à Dolisie et même au-delà. Plus d’un voyageur ayant emprunté le train a du être séduit par ce marketing en achetant le fameux  mbala mpinda. Par conviction ou par simple curiosité.

Aujourd’hui, le produit a dépassé les limites des seuls départements de la Bouenza et du Niari. Dans la Lékoumou voisine, et même dans d’autres départements, le "mbala mpinda" commence à intégrer les habitudes  alimentaires de certains Congolais. À côté du manioc ! Son sacré avantage est le fait qu’il constitue en lui seul un aliment presque complet, avec à l’actif plusieurs éléments nutritifs. Ainsi, l’arachide qui est une des composantes du "mbala mpinda"  est une légumineuse très riche en lipides, glucides, protéines, vitamines et sels minéraux.

Une enquête réalisée par l’Institut National de Recherche Agronomique (IRA) révèle que dans 100 grammes d’arachide, on trouve 567 kcals, soit 2.374 kg d’énergie ; 25,8 g de protéines ; 8,58g de fibres ; 0,540 mg de vitamines B1 ; 0,135 mg  de vitamine B2 ; 16,2 mg de niacine ; 0,348 mg de vitamine B6 ; 240 mg  de folâtres ; 9,13 mg de vitamine E ; 92, 0 mg de calcium ; 376 mg de phosphore ; 168 mg de magnésium ; 4,58 mg de fer ; 705 mg de potassium ; 3,27 mg de zinc ; 18,0 mg de sodium ; 49, 2 g de graisse totale et 6,83g de graisse saturée. Le manioc contient lui aussi des glucides.

À Brazzaville, quelques rares femmes tentent d’en fabriquer. Mais elles se trouvent vite confrontées à la difficulté de s’approvisionner en produit de base, à savoir le manioc roui. Parmi ces femmes, on cite la veuve  Philomène Tsatou, dit « Mâ Philo », qui habite Mfilou. Elle passe ses journées à pétrir le manioc roui, à griller et à écraser l’arachide, avant de les mélanger et de les attacher en petits paquets de 200 Fcfa avec des feuilles de  maranthacées. Elle y ajoute un peu de sel et parfois du piment. Au gré du client. La cuisson dure environ une heure et demie. Elle dit recevoir certaines commandes de l’Europe.

Le "mbala pinda" vulagarisé

L’administration, de son côté, n’est pas restée indifférente devant ce produit à multiples vitamines. Le directeur général de l’IRA, Le Dr Grégoire Bani s’est fixé comme objectif de valoriser et de vulgariser cet aliment. Il reconnaît avoir mangé et apprécié le "mbala mpida"  au moment où il occupait les fonctions de directeur du Centre de Recherche Agronomique de Loudima (CRAL) de 1996 à 2008. «  J’ai commencé ensuite à le donner aux étrangers qui ne sont pas de la contrée, de passage à Loudima, même les Européens et discrètement, je voyais comment ils réagissaient. Je n’ai pas eu de refus ni de rejet », révèle t-il.

Le CRAL a ainsi organisé plusieurs séminaires de formation avec les chefs de secteurs agricoles en provenance d’autres départements. À toutes ces rencontres, le "mbala mpida"  ne manquait pas au moment des repas. Les séminaristes étaient ensuite invités à ramener le produit dans leurs localités d’origine pour le vulgariser. Jusque-là, le produit se fabriquait par les femmes de manière individuelle et artisanale, souligne le DG.

« Pour bien faire la promotion de ce produit, nous avons entrepris d’organiser les femmes de Loudima qui savent fabriquer ce produit et on a mis en place l’association des femmes productrices du mbala mpinda, avec l’appui du volet DONATA du PSTAD qui est un projet financé par la BAD », explique Le Dr Bani avant de préciser que « nous leur avons offert des machines pour écraser le manioc et l’arachide ». Le but de cette association est de faire connaÎtre ce produit dans d’autres départements.

À l’occasion de la célébration de la Journée mondiale de l’alimentation, le 15 octobre 2013 à Sibiti, les femmes de Loudima ont fabriqué et exposé le produit. Le 15 octobre 2014, le même geste s’est répété à Ouesso où deux femmes sont venues de Loudima  avec le manioc et l’arachide produit par l’IRA - Loudima pour apprendre à leurs consœurs de Ouesso comment on fabrique le « mbala mpinda ».

Mobiliser des bailleurs autour du projet

Le Dr Bani a aussi gagné le pari de distribuer le « mbala mpinda » aux enfants, y compris ceux des peuples autochtones, qui fréquentant les écoles du district de Sibiti, en appui au programme de cantine scolaire. « Ces enfants, parmi lesquels beaucoup souffrent de malnutrition, avaient favorablement apprécié l’initiative qui consistait à leur distribuer le «  mbala mpinda » au moins deux fois par semaine », reconnaît le DG, avant de regretter le manque de financement n’ayant pas permis  de poursuivre le projet. Toutefois, Le Dr Bani continue à garder espoir. Ainsi, souligne t-il, «  on n’a pas baissé les bras. Nous continuons à monter les projets que nous introduisons auprès des bailleurs de fonds. »

Tenant compte de l’acceptation  de ce produit en milieu scolaire, l’IRA se  propose d’appuyer la mise en œuvre du mot d’ordre du Président de la République, à savoir « une école, un champ » par la fourniture des semences d’arachides, des boutures saines de manioc et par la formation. Le DG émet le vœu, de voir améliorer la préparation du mbala mpinda, en y ajoutant d’autres condiments en dehors du manioc et de l’arachide.    

 

                                                                

Jean KODILA
Légendes et crédits photo : 
Préparation du Mbala mpinda