Témoignages Gaston Gapo : « Je regrette de n’être pas balafré. Mais je suis fier d’être téké. »

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Vendredi, Octobre 18, 2013 - 15:30

Architecte de formation, ce Téké qui ne porte aucun marquage ne manque pas d’engouement quand il évoque la question des balafres. Fier des valeurs de sa terre, il remonte à la haute Égypte pour expliquer que les scarifications ne sont pas une invention des seuls Tékés même si au Congo, cette tradition leur est connue.

Les Dépêches de Brazzaville : quelle est l’origine des balafres ?

 

Gaston Gapo : La culture téké est séculaire. Jusqu’à ce siècle nous trouvons des enfants balafrés. Dans l’Égypte antique on retrouve des scarifications de même chez les Iboo du Nigéria aujourd’hui. Mis à part ces exemples, les populations du royaume Kongo avaient déjà des signes distinctifs.

 

LDB : Quand donc la scarification est passé de mode ?

 

Gaston Gapo : Ce fait de culture a subi l’évolution du monde. Des mutations liées à la modernité ont aussi eu raison de cette culture comme c’est le cas pour les langues qui ne manquent pas de subir d’autres influences. Je prends l’exemple du Mozambique où une certaine langue parlée s’apparente bien au makoua du Congo. Pour revenir aux balafres, il faut aussi ajouter des raisons politiques et des mutations naturelles.

 

LDB : Comment se déroulait le procédé de scarification ? quelles étaient les différents modèles pour ainsi dire ?

 

Gaston Gapo : La scarification se faisait à partir des feuilles de bananiers sur qui étaient marquées. Dans ce procédé, les scarificateurs utilisaient des anesthésiants naturels pour empêcher la douleur au bout de trois jours ou une semaine.

Sur les genres que l’on retrouvait chez les batékés de Mbeti ou chez les koukouya, les formes étaient soit verticales, inclinées ou latérales.

 

 

LDB : Pourquoi ne portez-vous pas de balafres ?

 

Gaston Gapo : Mon père était pauvre, il a pensé honorer les filles destinées au mariage plutôt que les garçons. Cela était aussi vécu comme un phénomène de beauté. Je pense à ma mère en l’occurrence.

 

LDB : Regrettez-vous d’être ce Téké qui ne porte pas de balafres ? Comment l’avez-vous vécu dans votre milieu?

 

Gaston Gapo: Je le regrette. Mais je me suis consolé grâce à la langue que je parle couramment. C’est en cela que je suis resté Téké sans les balafres. Sans cet apport linguistique, l’on aurait dirait de moi que je ne sais pas d’où je viens ni qui je suis vraiment.

 

LDB : Quels sont les peuples concernés par ces balafres ?

 

Gaston Gapo : Les mbeti, ont des marquages latéraux. D’autres sont inclinées. Cela était un symbole de beauté d’ailleurs l’on disait à ceux qui ne portaient pas de balafres que « leurs joues étaient sinistres comme les cuisses d’un pygmée ».

 

LDB : Quel était le coût de la scarification en terme de monnaie d’échange ?

 

Gaston Gapo : Á mon époque, en terme d’argent l’on versait cinq francs. Ce qui était assez cher. Autrement,  on passait par des compensations en étoffes de coton, de raphia ou des coqs en échange de ce service. C’est un dictat social, un fait culturel, des us d’un peuple.

 

 

LDB : Avez-vous pu transmettre des éléments de la culture téké à vos enfants ?

 

Gaston Gapo: Á ma grande surprise oui. Des anecdotes de mes deux jeunes enfants le prouvent. Ils savent qu’il faut obéir au « Nkoué M’bali » (la puissance de la justice téké).

 

LDB : Quelle est la richesse de cette culture téké ?

 

Gaston Gapo : Cette culture nous invite à vivre selon des mœurs de bonne conduite. Elle impose la morale. Être marqué par des balafres sous-entendait «  vivre selon des symboles de dignité, d’honneur, de respect, d’humilité » au risque  d’être marginalisé.

 

Deux choses en résumé : La parole et l’ordre ! 

Luce-Jennyfer Mianzoukouta