Né il y a 3 ans, "Espoir de Kitengué" n’est pas seulement un groupement de femmes mais aussi une entreprise féminine grace à laquelle plusieurs commerçantes de ce village ont pu accéder à leur autonomisation. Première du genre, elle a permis à une vingtaine de femmes de se lancer dans une activité génératrice de revenue. Victoire qui ne s’est pourtant pas faite sans sacrifice au regard des difficultés qu’elles ont rencontrées : problèmes de transport, d’écoulement des produits mais aussi le regard parfois malveillant de leurs époux.
« Quand je vais acheter la marchandise à Brazzaville, je me réveille très tôt, pour m’occuper de mes trois fils et des autres tâches ménagères. Puis avec une ou deux personnes de l’association, on se dirige vers l’embarcadère du village, destination Yoro, port fluvial de Brazzaville », informe Rosine Malekanga présidente de l’Association Espoir de Kitengué.
Pour Rosine, et ses amis, la journée commence à 4 heures du matin. Après1h30 minutes de traversée par pirogue motorisée, les commerçantes débarquent aux environs de 6h à Brazzaville et se dirigent promptement au centre ville, précisément à Guénin, (chambre froide) où elles s’approvisionnent en surgelés principale marchandise de leur activité.
« Une fois à Brazzaville, c’est parti pour des folles courses, étant donné que nous ne disposons que de très peu de temps. L’objectif à notre retour au village est de tout faire écouler car nous n’avons pas d’électricité sur place », a fait savoir Mbolinga Micheliene, mère de trois enfants, qui espère encaisser assez d'argent afin d’aller se former à Brazzaville. « J’ai une nouvelle machine à coudre, don de ma défunte mère. Une fois que j’aurai assez de moyens, je compte bien aller à Brazzaville si mon mari ne s’y oppose pas pour apprendre la couture », a témoigné cette dernière.
Une entreprise qui existe déjà depuis trois ans comme l’a témoigné la présidente, toute joyeuse et excitée. « Au cours de notre première rencontre, on a discuté des problèmes que chacun endurait au sein de son ménage. Et suite à ce premier contact nous avons créé l’association Espoir de Kiténgué, constituée de 20 membres. Et le mois qui suivait, on a lancé des cotisations à hauteur de 5000 FCFA. Un mois plus tard, suite au versement des membres, l’association s'est retrouvée avec 50.000 dans la caisse », a affirmé cette dernière.
Considérée comme insuffisante (les 50.000) par l’ensemble de l’équipe pour débuter un commerce, elles ont décidé de placer cette somme dans une ristourne, ce qui a permis d'obtenir au finish la somme de 100.000Fcfa. « Grace à cette somme on a pu acheter cinq cartons de surgelés et comme nous étions les premières à investir dans ce sens, ça marchait plutôt bien », raconte Ngeza Prisca, et de poursuivre, « dans la journée, on faisait parfois deux tours à Brazzaville pour aller nous approvisionner, et il arrivait même que nous jetions à la poubelle la marchandise du fait qu’elle n’était plus consommable ».
Aujourd’hui, même si l’Association Espoir de Kitengué n’a plus le monopole du marché et que les clients deviennent rares, ces dernières ont tout de même réussi à fidéliser leur clientèle comme l’a indiqué Rosine Malenga. « Les belles épargnes des premiers jours ont commencé à prendre un coup mais on continue de se battre. Avant ,quand nous vendions quatre cartons par exemple, on avait un bénéfice de 20.000 Fcfa par jour et avec cette somme on le remettait à un membre pour l’aider à entreprendre quelque chose en dehors de ce que nous faisions », a dévoilé la présidente qui au fil des jours a remarqué le mécontentement de certains de leurs conjoints alors que leur activité prenait de l’ampleur. « Si au départ nos maris nous encourageaient à entreprendre quelque chose, avec le temps, ils ont commencé à manifester leur opposition. Les hommes à Kitengué ne supportent pas qu’une femme soit autonome, ils veulent les maintenir sous leurs bottes», a regretté la présidente de Espoir Kitengué.
Mais aujourd’hui l’association a pris un coup depuis l’opération Mbata ya Ba Kolo, puisque plusieurs femmes de l’association ont été contraintes de repartir vers Kinshasa comme l’a fait savoir une des femmes de l’association qui a requis l’anonymat. «il y a des nouvelles recrues, elles sont encore jeunes et novices dans le commerce et nous devons les accompagner le temps qu’elles s’acclimatent et qu’elles puissent voler de leurs propres ailes », a -t-elle lancé. Mais pour les anciennes comme Rosine, cette entreprise a été une planche de salut pour son autonomisation. « Aujourd’hui c’est moi qui prends soin de ma mère qui est malade et de mes trois garçons », a indiqué cette dernière qui a été récemment victime d’un vol. « j’avais réussi à épargner près de 750.000 FCFApour m’acquérir une parcelle, mais on me l’a volé au port de Yoro et je suis obligée de tout reprendre à zéro », a soupiré Rosine qui reste cependant convaincue que d’ici peu elle pourra de nouveau réunir la même somme pour enfin se procurer son lopin de terre.