Jocelyne Milandou: « L’inceste prend des proportions inquiétantes… »

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Vendredi, Avril 15, 2016 - 12:15

Juriste et présidente de l’Association des femmes juristes du Congo,  madame Jocelyne Milandou nous parle de son expérience en matière de prise en charge des femmes victimes de violences : Rencontre.

 

 

Les Dépêches de Brazzaville (LDB) : D’emblée, pouvez vous nous parler de la prise en charge juridique des femmes et filles victimes du viol ?

Jocelyne Milandou (JM) : Nous travaillons en général par réseau, et particulièrement avec le RENAVISCO qui est le réseau de lutte contre les violences sexo-specifiques. Mais notre structure principale reste bien évidemment  l’Association des femmes juristes du Congo. Longtemps après la guerre on a cru que la violence faite à la femme avait pris fin, malheureusement même en temps de paix des femmes et surtout des petites filles continuent à être violées dans le silence  au sein des ménages, alors que leurs bourreaux qui sont en général des parents proches circulent sans être inquiétés dans les rues. Et à cet effet, nous, femmes juristes du Congo, avons mené une enquête dans les hôpitaux (hôpital de base de Makélékélé, de Talangai et aussi à l’hôpital Adolphe Sicé à Pointe Noire), notamment dans les services de gynécologie obstétrique et d’ORL où nous avons constaté  que ce phénomène au sein des ménages prend de l’ampleur vu que les coupables ne sont pas inquiétés. C’est ce qui d’ailleurs nous a poussé à réaliser un documentaire diapo que nous espérons, édifieront les Congolais en général.

LDB : Comment  se fait l’accompagnement juridique après un viol ?

LM : Le processus est le suivant, l’écoute, le recours à un psychologue, et ensuite seulement nous renvoyons ces personnes devant des commissariats de police ou devant le parquet, au procureur de la République, devant des juges d’instruction qui à leur tour entament les procédures judiciaires. Mais très souvent, les victimes se heurtent à  des problèmes d’ordre financier entendu qu’à toutes les étapes de la procédure les victimes doivent sortir des sous.  Et  à cause de la modicité  du revenu de la famille  et s’il faut payer 5000FCFA ou 10000FCFA pour avoir un certificat médical ce n’est pas toujours possible, cela les décourage  et la procédure n’aboutit pas. Il faut payer le médecin pour obtenir le certificat médical, il faut payer le psychologue, parfois il faut payer au niveau de la police, et au niveau du parquet. Mais pourtant il faut tenir ferme et condamner les coupables si on veut faire bouger les choses. Il faut briser le silence  car si les femmes se meurent,  il sera difficile d’engager les poursuites et les auteurs de ses actes demeureront indéfiniment impunis. C’est pourquoi la question sur la violence faite aux femmes  devrait être  une question de santé publique. Combien de femmes atteintes de maladies sexuellement transmissibles, ne peuvent plus jouir de leur maternité du fait que leurs appareils génitaux ont été entièrement abîmés, soit par les conjonctions sexuelles avec violence,  soit en leur  introduisant des objets tranchants …..

LDB : Et quelle est votre stratégie pour combattre ce phénomène ?

JM : Nous avons un centre d’écoute et c’est l’assistante juridique et  judicaire  qui se trouve au sein de notre siège (Association des femmes juristes) qui est la mieux indiquée à le faire. Nous recevons des victimes qui nous viennent des ONG. En dehors de l’accompagnement judiciaire, il nous arrive aussi parfois de solliciter les services de psychologues qui aident ces mineurs à reprendre confiance en eux car être violée par son cousin, père, ou oncle, bref dans le cercle familial, renferme l’enfant dans un mutisme, vu que celle –ci a peur de trahir sa famille et en général se sent  coupable.  Et le coupable se sert très souvent de  cette innocence pour continuer ces crimes. De plus, l’inceste prend des proportions inquiétantes, puisque dans certains foyers par exemple, pour des croyances mystiques ou leurs propres plaisirs, certaines personnes imposent des relations sexuelles  à leurs enfants et nièces. Et d’ailleurs nous au niveau de l’Association des femmes juristes, nous demandons aux parents d’élever eux-mêmes leurs enfants parce que parfois en voulant offrir un cadre plus agréable à nos enfants, on les confie à des parents plus aisés qui les transforment en machine sexuelle.

 

Propos recueillis par Berna Marty
Légendes et crédits photo : 
Jocelyne Milandou
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