Jean Denis Toutou Ngamiyé est le président de l’Association pour la promotion socio-culturelle des peuples autochtones du Congo (APSAC). Cette structure évolue depuis 25 ans à Sibiti dans le département de la Lékoumou. Rôle de l'Association, défendre les droits de ces peuples et les accompagner vers l’intégration et l’émancipation. Aujourd’hui, c’est grâce à son action que les autochtones s’incorporent petit à petit dans la société des bantous. Malgré cette avancée significative, Jean Denis Toutou Ngamiyé explique que leur émancipation reste encore un pari à gagner.
Les Dépêches de Brazzaville (LDB) : Vous êtes un bantou. Qu’est ce qui explique votre engagement pour la défense des droits des peuples autochtones ici à Sibiti ?
Jean Denis Toutou Ngamiyé (JDTN) : Je vis dans un milieu où il y’a plusieurs autochtones. Nous avons grandi ensemble. Et mon père s’entourait toujours de jeunes autochtones. Ceux-ci faisaient partie de la famille. Nous avons chassé ensemble, joué au ballon ensemble. Pour mon père, il n’y avait aucune différence entre eux et moi. Parfois le meilleur endurant au football était un autochtone. En danse, ils étaient les meilleurs batteurs. J’ai trouvé qu’il n’y avait pas gains de cause de distinguer des races ou des ethnies. D’où l’idée de créer cette association en 1991 pour défendre leurs intérêts.
LDB : A ce jour, votre association compte 50 membres dont 35 autochtones. Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans cette bataille ?
JDTN : Dans cette bataille, nous avons plutôt des ennemis, les maitres bantous. Ces derniers ont l’habitude d’utiliser les autochtones comme machines. J’ai eu des problèmes avec un journal qui utilise les travailleurs autochtones et les payaient à 250 frs avec un quart de boisson locale.
LDB : Associez-vous d’autres structures à votre bataille ?
JDTN : Bien sûr. Nous travaillons avec le ministère de la Promotion de la femme, la police, la gendarmerie et la préfecture. Nous associons aussi des organismes nationaux des droits de l’Homme comme l’Adhuc, l'Ocdh et les organismes internationaux comme le Pnud et l’Unicef.
LDB : Depuis 1991 vous menez votre lutte pour défendre les droits et accompagner les populations autochtones vers l’intégration et l’émancipation. Pensez-vous qu’un jour leurs mentalités vont changer ?
JDTN : Absolument. Et on peut parler d’une intégration dans la société. Aujourd’hui, nous avons des enseignants autochtones, des infirmiers, des jeunes scolarisés, des jeunes qui utilisent des téléphones portables. A Sibiti certains autochtones ont des taxis motos. Le problème c’est l’émancipation. Il reste encore des séquelles culturelles dans la couche autochtone. Parfois, il est difficile pour eux d’accepter cette transformation. Ils peuvent être médecin, directeur mais leurs mentalités sont ancrées dans leur culture. Ils ne veulent pas se séparer de leurs habitudes comme la boisson qui est leur activité prépondérante.
LDB :Quelle solution pour les aider à résoudre ce problème ?
JDTN : La scolarisation dès le bas âge pourrait changer la donne.