Acteur dans la lutte contre le VIH/sida, Jean Pierre Mahoungou est responsable de l’association Bomoï. Ce dernier a épousé Irène une femme séropositive en 2006. Leur couple est devenu le premier couple discordant vivant publiquement au Congo-Brazzaville. Malgré les préjugés et les stigmatisations, ils vivent leur vie de couple de façon normale nous confie-il.
Les Dépêches de Brazzaville : Vous êtes séronégatif et votre femme est séropositive. Vous l’avez épousé alors qu’elle était déjà malade. Quelles sont les raisons qui expliquent votre engagement dans cette union discordante?
Jean Pierre Mahoungou : Je suis acteur dans la lutte contre le VIH/sida. Avant de m’engager avec mon épouse, j’étais suffisamment informé sur les modes de transmission et sur comment vivre avec une personne séropositive. Ce qui nous diffère, c’est le statut sérologique.
L.D.B : Comment entretenez-vous votre relation au quotidien ?
J.P.M : Nous vivons comme les autres couples à la différence du statut sérologique. Mais aux heures de prises des médicaments, puisque ce n’est plus un secret dans la famille tout le monde peut rappeler à mon épouse aisément ses médicaments. Dans notre vie intime nos rapports sexuels sont systématiquement protégés. En dehors de ces exigences nous vivons comme tous les autres couples et toutes les autres familles.
L.D.B : Pensez-vous que le fait d’être en couple avec une personne séropositive est un moyen de lutter contre les stigmatisations dont sont victimes les personnes vivant avec le VIH ?
J.P.M : La discrimination et la stigmatisation à l’endroit des personnes vivant avec le VIH est une épidémie à côté d’une autre épidémie. C’est vraiment lourd, il y a des personnes qui perdent leur emploi, des familles qui sont brisées à la découverte sérologique d’un membre. Au quotidien, même les proches des personnes vivant avec le VIH sont aussi discriminés. Mais en tant qu’acteur de lutte contre le VIH/sida, l’une de nos missions, c’est effectivement de changer la perception de la communauté sur cette pandémie. Cela fait partie du travail que nous faisons au quotidien.
L.D.B : D’après les médecins du Centre de Traitement Ambulatoire (CTA) de Brazzaville, sur près de 3000 patients qui fréquentent ce centre régulièrement, on estime à environ 60% des couples discordants (l'un des conjoints est séropositif). Pensez-vous que ce changement de mentalité est un effort de votre lutte contre cette maladie ?
J.P.M : C’est un travail qui a été fait et cela nous réjouit parce que les langues commencent à se délier et les habitudes ont évolué. C’est la preuve que notre travail porte des fruits. C’est vrai que la stigmatisation est encore là. Mais nous constatons qu’il y a une évolution des mentalités. Les personnes vivant avec le VIH sont mieux acceptées et la communauté a une meilleure information sur le VIH/sida. Mais il reste encore beaucoup à faire.
L.D.B : De nombreux conjoints malades demeurent encore dans le non-dit. Que conseillez- vous à ces personnes ?
J.P.M : Je crois qu’il y a de meilleurs bénéfices à partager son statut avec son partenaire. Cette information à deux permet une meilleure adhésion au traitement. Parce qu’il n’y aura pas de justification, ni de mensonge pour la prise des médicaments.