Prononcé dans la langue de Shakespeare, ce mot veut dire « seul ». Mais quand le « e » final est accentué, il devient « singlé » et ne veut rien dire avec pareille orthographe.
Sous nos latitudes cependant, le mot « singlé » qui, en réalité devrait s’écrire « Single » renvoie à une marque de maillot de corps généralement appelé contre-sueur. De couleur blanche au départ, ce sous-vêtement a été vendu comme du pain dans les marchés de Brazzaville au point que, pour des raisons de goûts, il est désormais disponible sous toutes les couleurs : de la blanche à la noire en passant par le jaune et le bleu.
Mais quelle que soit sa couleur, il demeure une tenue intérieure et ne saurait remplacer la chemise classique ou le t-shirt. Or, depuis quelques temps, ce sous-vêtement, appelé « Singlé » au Congo, est de plus en plus arboré par des hommes dans n’importe quel milieu. Dans les rues, les marchés, les buvettes, bars-dancings et même dans les banques. Mode, ignorance ou déviance ? Dernièrement, j’étais stupéfié de voir entrer dans une banque un homme vêtu simplement d’un « Singlé » en haut et d’un short communément appelé « bagui » en bas.
Le problème repose dans la légèreté et la confusion qui caractérisent notre société car, si l’on peut se poser des questions, l’une d’elles reviendra toujours : l’art de s’habiller n’obéit-il pas aussi à une éthique ? Parce que le laisser-aller dans ce domaine fait pousser des ailes à nombre d’individus.
Le cas des taximen dont la profession renvoie plus au moins aux relations publiques même s’ils feignent de l’ignorer. Plutôt que de prôner le savoir-être et le savoir-vivre, ces derniers évoluent dans le déni de la loi. Dans ce métier, chacun adopte sa tenue et ses couleurs au point que même le « singlé » dont il est ici question passe pour une tenue de travail. « Il fait chaud, chef », réagissent-ils aux observations qui leur sont faites. Ou encore : « Ce n’est pas un singlé. On appelle ceci ‘’bras cassés’’ ». Futiles arguments qui exposent le passager à bord aux senteurs émises par les aisselles.
Alors, autres interrogations : au pays de la sape, est-il permis de s’afficher avec n’importe quoi sur le corps ? Ou suffit-il seulement de couvrir le corps ? En d’autres termes, la manière de s’habiller renseigne sur l’éducation ou la moralité de la personne. On ne va pas à la banque comme on va à la plage. Et même si nous sommes en plein dans la globalisation, il y a des valeurs que chaque pays devrait préserver. Et le Congo a les siennes qu’il puise dans des traditions ancestrales et leur fait, au besoin, épouser les contraintes de la modernité.
C’est ainsi qu’en 1961, constatant la légèreté au sein de l’administration publique du pays, le président Fulbert Youlou prit une circulaire pour obliger les ministres et les hauts fonctionnaires à ne se présenter à leurs postes de travail qu’en costume et cravate.