Adèle Souaka : un seul bras et une foi immuable

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Vendredi, Mars 17, 2017 - 16:45

Elle perd son bras droit très tôt à la suite d’une chute à domicile alors qu’elle n’a que deux ans. Adèle Souaka, née il y a 46 ans, célibataire et mère d’un enfant avait deux choix : s’apitoyer sur son sort ou faire fi de cette malformation.

Elle a choisi la deuxième option faisant ainsi de son métier sa planche de salut. « Mon mari c’est mon travail et mon enfant mon seul espoir ! » formule Adèle Souaka interviewée lors du débat communautaire organisé par le centre de ressource pour la presse en juin dernier dans le district de Komono.

Selon elle, son accès dans les arcanes de l’artisanat est parti d’un rêve. « En 1990 j’ai fait un songe où un homme m’apprenait le dessin. Par la suite j’ai fait la connaissance d’une européenne en 2012, qui après avoir découvert mon travail m’a suggéré d’y associer la teinture pour l'embellir», explique Adèle qui s’émerveille toutes les fois qu’elle exécute de nouvelles formes qu’elle assemble avec adresse sur ses nattes. Résultat, de magnifiques nattes qui servent en même temps d’objets de décoration et d’usage au quotidien.

Agée de 46 ans, Adèle, artiste autodidacte ne manque pas de courage et de volonté puisque son handicap loin d’être un obstacle est devenu une force dans la mesure où elle a réussi à le surmonter. « Longtemps je me suis apitoyée sur mon sort et puis il est arrivé un temps où je me suis rendu compte que cela ne servait à rien de me lamenter et que je devais aller de l’avant car Dieu m’avait donné un travail tandis que d’autres bien portants n’en avaient pas », raconte Adèle le visage rayonnant. Consciente que cette activité est sa planche de salut, adèle passe des heures dans son atelier et s’y consacre âme et cœur. « Quand je commence un travail je ne sais pas m’arrêter. Le tissage des nattes est un ouvrage extrêmement délicat et long, il nécessite plusieurs semaines de travail », explique celle dont le travail s’exécute en plusieurs étapes. « je trie en premier lieu les fibres extraites du palmier, ensuite je les range selon leur taille, puis je commence le tissage et termine avec les écrits ou le dessin », ajoute-t-elle.

Un travail certes difficile mais épanouissant pour cette dame. Ces moments de création lui permettent d’échapper pendant un moment à la réalité. « À chaque fois que je travaille, de nouvelles idées me viennent en tête. Je ne veux pas que mes nattes se ressemblent », a indiqué l’artisane qui se plaint pourtant du coût de son matériel . « J’achète la boîte de teinture à au moins 10.000 FCFA. Je paye aussi le tas de fibres extraites du palmier à 1000 ou 1500 FCFA », indique Adèle qui taxe son travail par rapport aux heures qu’elle passe à fabriquer la natte et tient tout aussi compte du montant qu’elle dépense pour l’achat de ses outils.

« Les prix de mes nattes varient entre 20.000 FCFA et au-delà. Ce sont des nattes de grandes dimensions », a expliqué l’artiste qui ne dort pas sur ses lauriers (en attendant la vente de ses œuvres). Pour arrondir ses fins de mois et participer au frais scolaires de son fils qui se trouve auprès de son frère, elle s’est parallèlement lancée dans la vente du pain.

Si sa notoriété est principalement cantonnée aux limites de Komono, il n’en demeure pas moins que son travail fut apprécié lors de la municipalisation accélérée de la Lékoumou en 2015.  « Je n’ai jamais vu un tel travail dans le district de Komono et même plus loin. Adèle combine écriture et dessins qu’elle intègre avec dextérité sur des nattes conçues à base de fibre extrait du palmier. Un travail qui a été apprécié par le président de la République lors de la municipalisation accélérée en 2015 », informe tout joyeux Nzinzi Alphonse, secrétaire du quartier Nimbi qui ne cache pas le fait que l’artiste reçoit de temps à autre des présents de la part des autorités locales lors de leurs passages à Komono.

Jean Claude Bassouamina Louzolo, directeur départemental de l’Intégration de la femme au développement dans le département de la Lékoumou ne cache pas son admiration pour l’artiste. « Quand je suis allé dans l’atelier, de Souaka Adèle pour la première fois j’étais à la fois ému et très impressionné de la voir travailler. Par la suite, nous avons fait un état de ses besoins auprès des autorités, et c’est grâce à ce contact qu’elle a été conviée à l’exposition vente lors de la municipalisation accélérée de la Lékoumou en 2015 », a avoué le directeur départemental.

Pourtant malgré son talent et les sporadiques dons accordés à Adèle, cette dernière a toutefois du mal à prendre son envol. « En principe, elle devait ouvrir un centre d’apprentissage afin qu’elle développe cet art au niveau de Komono et initie les jeunes. Faute de financement, ce projet n’a pas encore pu voir le jour », a fait remarquer monsieur Alphonse qui est persuadé que l’ouverture d’un tel centre serait une solution au problème de l’oisiveté dans le district de Komono.

Enfin, décidé à sortir les femmes handicapées de la précarité, la direction départementale de l’Intégration de la femme au développement dans le département de la Lékoumou a fait récemment un recensement pour soutenir financièrement ou matériellement ces femmes. « On a répertorié un certain nombre de femmes handicapées qui se distinguent dans le domaine de leur intervention et Adèle Souaka y figure ainsi qu’Agui coiffure, qui a reçu un appui d’environ un million pour le matériel », confie Jean Claude Bassouamina Louzolo.

Berna Marty
Légendes et crédits photo : 
Adèle Souaka
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