Cette phrase, en soi, est une prière. Un véritable psaume pour se protéger contre les attaques, les maux divers, les mauvais esprits et, bref : contre tout ce qui peut nuire.
Pour peu qu’il vous arrivera d’interpeller un Congolais, surtout une Congolaise, sur son manque d’attention lors de la traversée de route, par exemple, vous recevrez : « Au nom de Jésus, sans effet !». Comme quoi, rien ne peut arriver à celui ou celle qui lâche cette phrase. Au contraire, si mal il y a, il sera retourné à l’interpellateur.
Voici le genre de conseil : « Fais attention avec le gaz, car il peut causer un incendie. » Réponse : « Au nom de Jésus, sans effet !». Dans les taxis, les bus, les camions ou les voitures personnelles, on peut lire : « Au nom de Jésus, sans effet !». Pour le conducteur, cet écriteau est protecteur et évite tout accident aux passagers à bord du véhicule. Les consignes de conduite sont ainsi reléguées à l’arrière-plan. La suite est souvent imprévisible…
Une jeune fille qui mène une vie sexuelle peu recommandable n’a que cette phrase sur les bouts de lèvres : « Au nom de Jésus, sans effet !». Pour elle, c’est un rempart. Tout comme ce jeune motocycliste, insouciant et inconscient, zigzaguant entre les voitures qui pense que cette phrase est une licence à tous les excès.
Loin de porter un quelconque jugement sur la religion, il nous a paru nécessaire de nous fixer sur cette réalité qui fait désormais partie de la culture congolaise. Or, cette pratique que nous décrivons et décrions, le long de ces lignes, ne se retrouve pas ailleurs. Elle est une « déviance » qui participe de la culture des Congolais qui, souvent, pour détourner l’attention et se faire une bonne image, se cachent derrière cette « muraille religieuse ». En effet, le contraste est parfois frappant entre ce qui sort de la bouche et les actes posés.
Il n’est pas mauvais de dire « Au nom de Jésus, sans effet !», mais il est nettement souhaitable de réunir les conditions pour éloigner le malheur. C’est ainsi que les Congolais commencent à déroger à la solidarité qui les caractérisait. De plus en plus, des gens considèrent tout présent venant d’un proche comme étant un piège. Vous est-il déjà arrivé de vouloir voler au secours d’un des vôtres en lui glissant une enveloppe d’argent ? Ou en lui ramenant n’importe quel cadeau de retour d'un voyage. Soit il accepte, mais au terme de conjurations. Soit, simplement, on vous rétorque : « Au nom de Jésus, sans effet !». En d’autres termes : un refus bien sanctifié.