École de référence, l’école militaire de Saint-Cyr a toujours fasciné les Congolais. D’ailleurs, jusqu’à une certaine époque, avoir un enfant sorti des rangs de cet établissement était une fierté dans les familles congolaises. Entre anecdotes et franches rigolades, l’intendant Joseph Niombella, général des Forces armées congolaise (FAC), aujourd’hui à la retraite, nous a reçus dans sa villa où il nous a parlé de son parcours, de ses prestations en tant que diplomate à travers le monde, de son passage à la prestigieuse école militaire de Saint-Cyr en France, formation qui l’a fortement marqué et dont il est fier.
Le général Joseph Niombella fait partie des premiers militaires des FAC formés dans la prestigieuse école militaire de Saint-Cyr. En effet, après l’obtention de son baccalauréat en série scientifique au lycée Savorgnan de Brazza, il s'envole pour la France où il est envoyé en corniche militaire de Toulouse (classe préparatoire pour l'entrée à l’École spéciale militaire de Saint-Cyr). « À cette époque, la corniche prenait juste un an alors qu’aujourd’hui, on y passe deux ans. De plus, on avait deux options, soit littéraire (on étudiait l’histoire et la géographie) ou scientifique (on avait deux matières principales, les mathématiques et la physique)», a fait savoir le général qui est fier de son passage dans cette prestigieuse école.
« Pour accéder à Saint-Cyr à notre époque, on avait trois possibilités. La première possibilité, l’entrée sur pied qui se faisait sur la recommandation du pays d’origine, avec pour diplôme le baccalauréat, et cela ne concernait que les pays qui avaient des rapports privilégiés avec la France, mais les autres candidats devaient passer par la préparation en corniche avec deux possibilités, celui du concours direct comme les français, c’était mon cas. Et dans l’autre cas, les critères d’admission étaient plus souples avec une faible moyenne comprise entre huit, neuf sur vingt. C’est ce qu’on appelait le concours parallèle», a longuement expliqué le général qui, dès sa première année de formation, se fait distinguer par son acharnement au travail et sa force de caractère. Ce qui lui a valu trois ans plus tard, l’obtention du diplôme de chef de section à l'issue de sa formation initiale d'officier à Saint-Cyr avant d'être admis à l'école d'application d'artillerie.
En 1966, le général rentre au Congo avec son diplôme en main devenant le premier officier artilleur congolais. Son envie de changer les choses, son zèle de jeunesse le conduit au poste de chef de corps de l’artillerie où il y passe cinq ans. Cette même année, on lui confie le commandement d'une jeune structure au quartier Mantsimou qui réunissait les officiers congolais venus de tous les horizons. « C’était le lieu ou l’on remettait les plis de l’officier congolais. Mais le 23 mars 1970, cette direction a été dissoute pour des raisons politiques », a dit le général qui est finalement affecté à Pointe-Noire en 1971. « À Pointe-Noire, j’ai commencé à travailler au port, comme responsable de la sécurité. Le président Marien Ngouabi, ayant eu écho de mes prestations avant mon affectation, va me nommer commandant de zone remplaçant ainsi le colonel Martin Mbia à l'époque capitaine », a informé le général qui n’a alors que 29 ans.
Après cette nomination, le général pense de plus en plus à aller étudier. Son bagage de Coëtquidan (camp dans lequel est implantée l'école spéciale militaire de Saint-Cyr) ne le satisfait pas, il veut approfondir ses connaissances. C’est ainsi qu’il est envoyé à l'académie militaire à Frounze à Moscou en 1980. Démobilisé de l'armée à partir de 1983 à la suite des problèmes personnels qu'il n'a pas tenu à évoquer, il est tour à tour nommé aux fonctions les plus modestes aux plus élevées. Sorti du cadre de l’armée pendant une dizaine d'années (où il passe d’une ambassade à un autre en qualité de conseiller aux affaires stratégiques), il est réintégré dans les rangs des FAC pour être rétabli dans ses droits à la faveur de la conférence nationale en 1991. Et au même moment, il est aussi nommé colonel. En 1993, il est élevé au rang de général et prend les rênes de l’académie militaire Marien-Ngouabi. «C’est l‘un de plus beaux jour de ma vie, après treize ans comme civil, je venais d’être réhabilité à l’armée. C’était comme une nouvelle naissance, vu que je ne cessais de penser aux valeurs militaires que j’avais acquises lors de ma formation à Saint-Cyr et cela me rendait nostalgique », a avoué le général qui est persuadé que le métier de militaire faisait partie entièrement de sa vie. « À l’époque, quand on m’a demandé de réintégrer les rangs de l’armée congolaise, je n’ai pas hésité, d’autant plus que j’étais démobilisé de l’armée au grade de commandant avec mon degré d’avancement de lieutenant colonel », a précisé celui qui a été agréablement surpris lors de sa réintégration dans l’armée où on lui a fait porter les galants de colonel plein avec douze ans d’ancienneté de grade. Une distinction qu'il n’est pas prêt d’oublier. « Ma vie avait été complètement chamboulée, je retrouvais ce pourquoi j’étais destiné », a-t-il dit visiblement ému.
Et pour couronner le tout, à la fin de la guerre de 1997, il est nommé secrétaire général au ministère de la Défense. « C’est ma plus haute et dernière fonction militaire et je pense que le fait d’être allé à Saint-Cyr m’a donné suffisamment de ressort, pour accéder à toutes ces fonctions. Une chose est sûre, je ne regrette pas d’avoir intégré les rangs de cette illustre école », a affirmé le général qui clame haut et fort les qualités de cet établissement. « Pour quelqu’un qui a fait Saint-Cyr correctement, il a les aptitudes pour aller loin dans la carrière militaire », a confié le général. De ramasseur de noix de palme à Moukeko, au conseiller dans les différentes ambassades du Congo en Italie, Éthiopie et aux États-Unis, puis en Chine (où il se retrouve la cheville ouvrière de la diplomatie congolaise), le parcours de Joseph Niombella n’a pas toujours été rose. « On n’est pas toujours vu d’un bon œil quand on est nommé à un poste de direction», a indiqué le général qui a néanmoins tenu tête aux multiples contraintes professionnelles au début de carrière. «Les Saint-Cyriens ont la prestance et l’aura, ce qui fait qu’on sait résoudre les problèmes quand ils se présentent à nous », a-t-il ajouté.
Enfin, le général confie son souhait de voir dans les prochaines années les femmes militaires congolaises postuler à ce concours. « Malheureusement, les femmes militaires congolaises sont peu intéressées à ce concours. Sous d'autres cieux, des femmes y accèdent au moyen d’un concours comme tous les autres candidats. Je dirai que c’est un manque d’intérêt pour les femmes militaires congolaises qui se limitent elles-mêmes dans la mesure où elles n’ignorent pas que les carrières d’officier sont aussi ouvertes aux filles dans cette prestigieuse école», a-t-il conclu.
Trois questions au doyen Joseph Niombella
Le Doyen Joseph Niombella assure depuis 1999 les fonctions de président par intérim au sein de l’Amicale des saint-cyriens du Congo. Une belle organisation qui permet aux nouveaux fleurons sortis récemment de la prestigieuse école de Saint-Cyr de retrouver la chaleur et les valeurs apprises lors de leur formation.
Les Dépêches de Brazzaville : Quand est née la collaboration entre le Congo et Saint-Cyr ?
J.N : Cette rencontre peut remonter de 1960, date à laquelle le premier saint-cyrien congolais (le général Alfred Raoul, d'heureuse mémoire) intègre l'école. Il était de la promotion Vercos, 1960-1962.
L.DB : Comment est née l’Amicale des Saint-Cyriens du Congo ?
J.N : Aujourd’hui, je me retrouve parmi le plus ancien des saint-cyriens au Congo, par le hasard qui a conduit notre plus ancien, le général Sylvain Ngoma, à l’extérieur. Mais les possibilités que nous avons aujourd’hui découlent d’une initiative lancée par le plus ancien des saint-cyriens, Alfred Raoul, qui avait créé notre Amicale, les anciens de Saint-Cyr.
L.D.B : Pouvez-vous nous parler brièvement de son fonctionnement ?
J.N : C’est un petit cercle qui regroupe les anciens de Saint-Cyr. On se retrouve de temps en temps, les anciens et les plus jeunes pour discuter ou se remémorer d’anciens souvenirs de la formation. Je suis pour beaucoup comme un père qui écoute et donne des conseils quand il faut. On essaye par les moyens qu’on dispose d’accompagner les nouveaux venus tout en essayant de régler leurs problèmes sociaux. En dehors de ces aspects, pour tout ce qui concerne leur carrière, ils font recours à leur hiérarchie. Bref, c’est comme une famille puisque au sein de l’Amicale, nous favorisons plus les rapports humains, mettant en exergue les valeurs que nous avons héritées lors de la formation. Notre passé commun nous rapproche. On se bat aussi pour que les plus jeunes aient une belle carrière. Pendant la guerre du 5 juin par exemple, quelques-uns se sont retrouvés à l’étranger, mais nous nous sommes battus pour qu’ils intègrent de nouveau les rangs de l’armée congolaise. C’est une aubaine que d’avoir cette Amicale vu que sous d’autres cieux, les saint-cyriens ne sont pas toujours vus d’un bon œil. C’est une association qui a pour but de mieux faire connaître Saint-Cyr et susciter des vocations, parce que nous estimons que cette école est une excellente école d’initiation aux métiers des armes et un bon cadre où les étudiants peuvent acquérir une éducation et une formation de qualité qui leur ouvrent des fenêtres partout dans le monde.