Dernier des saint-cyriens congolais à avoir terminé sa formation, (promotion capitaine Hervouët, 2013-2016), Alphonse Kouamba Nsoungani a regagné les rangs des Forces armées congolaises au grade de sous-lieutenant en mars de cette année. En effet, après trois ans de formation initiale à l'école spéciale militaire de Saint-Cyr à Coëtquidan dans la région de Bretagne (toujours en France) et sept mois à la Division d'Application de l'école des transmissions à Rennes (France), pour sa spécialité, Alphonse, se dit heureux de revenir servir sa patrie.
Benjamin d’une fratrie de quatorze enfants, Alphonse, âgé de 28 ans, n’était nullement destiné à devenir militaire comme le fut son défunt père (colonel et attaché militaire naval et de l'air près de l’ambassade du Congo entre 1984 et 1990). D’ailleurs, pour briser la tradition, il ne passe pas à l’école des cadets comme ses frères. À l’université, il s’oriente vers les langues et plus précisément dans le département de LVE (Langue vivante étrangère) et projette de faire une carrière en diplomatie.
Mais en 2011, à la mort de son père, tout bascule, il se rend vite compte qu’il devait se prendre en main. « C’est comme si je venais de me réveiller d’un somme. Dernier né de la famille, j’étais plutôt bien entouré, et mon père veillait à ce que je ne manque de rien notamment en ce qui concerne ma formation », a informé Alphonse qui ressent une soudaine envie d’honorer son père. « il est vrai qu’enfant, je connaissais tous les galants et insignes militaires et cela amusait toute la famille, car je passais le clair de mon temps à dessiner des militaires et à les attribuer des fonctions, mais j’étais loin de m’imaginer que quelques années plus tard, je ferais partie des Forces armées congolaises », a expliqué Alphonse qui entend pour la première fois parler du concours de Saint-Cyr par le biais du capitaine Yocka (à l’époque en service à la Direction générale des ressources humaines du ministère de la Défense nationale) admis aujourd’hui à la retraite.
C’est ainsi qu’en 2012, avec zèle et fougue, Alphonse se lance dans l’aventure et tente pour la première fois le concours. Cela se solde par échec. Il est bouleversé, mais cela n’entame pas pour autant son moral. Dès lors, il se met au travail, fait des recherches, discute avec des officiers de la place, il est mieux outillé et se sent prêt à affronter le concours. Il est donc reçu dans les rangs de Saint-Cyr au grand étonnement de sa famille et de ses amis.
En Août 2013, il quitte le Congo et intègre les rangs de Saint-Cyr rangé par la peur qui est mêlée à un sentiment de joie. « Aller à Saint-Cyr était comme un rêve pour moi. C’était une nouvelle page de mon histoire qui commençait. J’étais le petit benjamin de la maison, on faisait tout pour moi et je savais bien que l’adaptation serait difficile et c’est ce qui est arrivé », a fait savoir Alphonse qui depuis toujours avait horreur des activités sportives. Un détail négligeable pour ses proches qui assurent néanmoins que ce dernier était indubitablement prédestiné à devenir un militaire des Forces armées congolaises. « Pour moi, ce n’est pas étonnant qu’Alphonse ait fait l’école militaire. Enfant, il passait son temps à dessiner des militaires ou des galants », a dit maman la grande, première épouse de son père qui a tout de suite été soutenue par maman la petite, mère d’Alphonse. « Et fait étonnant, depuis l’école primaire, il connaissait les insignes et galants de l’armée congolaise », a-t-elle confirmé.
Mais, sur place, la réalité est autre, le froid, la rigidité des horaires de formation, la peur de ne pas être à la hauteur, l’angoisse au fil des jours. « Plus de mamans pour me chouchouter, plus personne pour me faire à manger et faire ma lessive, j’ai dû apprendre. De plus, les réveils à l’aube, les marches interminables dans la nuit en hiver, les couches dans les bivouacs, les exercices militaires…c’était un véritable choc, et il fallait que je me donne à fond, peut-être plus que les autres car les premiers jours quand je rentrais dans ma chambre, je me demandais ce que je faisais là », a expliqué Alphonse qui s’est vu encouragé par ses camarades de troupe, en l’occurrence le lieutenant Charles Bacchelet, de nationalité française. « Je ne juge pas ceux qui abandonnent, car il faut vraiment tenir bon et avoir de fortes convictions pour ne pas abandonner. Pour ma part, en dehors des exercices militaires, les valeurs, l’Histoire et les traditions saint-cyriennes m’ont fortement intéressé et marqué. Je pense que c'est ce qui m’a permis de garder le cap », a admis le jeune officier qui a tout de suite ajouté : « Heureusement en deuxième année, les cours sont devenus plus souples et on a eu le temps de mieux se connaître entre étudiants et formateurs ».
Saint-Cyr créée en 1802 reçoit plus d’une dizaine de nationalités. C'est une école qui forme des élites car elle est réputée pour la qualité de sa formation. «Il y a quelques années quand on avait dans la famille un enfant qui sortait des rangs de Saint-Cyr, c’était non seulement une grande fierté dans la famille mais aussi dans le quartier car ce dernier était considéré comme un belvédère », s'est remémoré le sergent-chef Bikaki Joachim, (communément appelé papa Joachim dans le petit quartier de Kinsoundi) ancien militaire retraité et ami de la famille. Alphonse, admiré par ses proches, se dit chanceux quand il se rappelle de ses trois dernières années de formation. «Mon examen de deuxième année était sanctionné par un saut d’un hélicoptère lors du stage d'aguerrissement en forêt équatoriale en Amérique Latine dans la Guyane française. C’était une expérience en même temps angoissante et excitante. J'étais pétrifié de peur », a fait savoir ce dernier qui souhaite ne plus avoir à sauter d’un hélicoptère depuis lors. Alors, il ne reste plus qu’à lui souhaiter bon vent !